Cautionnement disproportionné : évolution de la jurisprudence en faveur des cautions

Publié le Modifié le 04/12/2015 Vu 9 354 fois 0
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Quelles sont les obligations des établissements de crédit envers les cautions personnes physiques et les cautions dirigeantes

Quelles sont les obligations des établissements de crédit envers les cautions personnes physiques et les cau

Cautionnement disproportionné : évolution de la jurisprudence en faveur des cautions

La jurisprudence des deux dernières décennies à été très dure envers les cautions dirigeantes ou de sociétés.

En effet, durant cette période, les cautions assignées en justice par la banque étaient désarmées et quasi systématiquement condamnées à payer.

Rarement les juges ont mis en jeu la responsabilité contractuelle du banquier au titre de la violation de son devoir d’information.

Et pourtant, le principe de proportionnalité du cautionnement avait été introduit en droit du cautionnement depuis la loi Neiertz du 31 décembre 1989.

La "crise des subprimes" a entraîné un courant d'air positif dans la jurisprudence récente des cautions bancaires dirigeantes.

Depuis les années 2010, les juges considèrent de plus en plus les cas de disproportion du cautionnement en faveur des cautions de sociétés.

Aujourd’hui, le principe de proportionnalité codifiée dans le Code de la consommation qui dispose qu’un

« établissement de crédit (…) ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », s'applique aussi aux cautions dirigeantes ».

Le champ d’application de ce texte était à l'origine limité aux personnes physiques s’étant portées caution d’une opération de crédit à la consommation et excluait le cas de figure du dirigeant social qui garantit les engagements de société.

Il s'est ainsi posé la question de savoir si les dispositions du code de la consommation sur la disproportion, issues de la loi du 1er août 2003, s’appliquaient aussi aux cautionnements de prêts professionnels de sociétés, c'est à dire aux cautions dirigeantes.

La position actuelle des juges de la cour de cassation est que les organismes prêteurs ont des obligations d’information, de renseignements et de conseil dans le cadre de l’octroi des prêts qu'ils consentent, même à titre professionnel aux cautions dirigeantes, ce qui n'était pas le cas avant.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats de cautionnement ont permis de créer un véritable ordre public de protection au profit de toutes les cautions sans discrimination.

Les cautions dirigeantes ne sont jamais averties par le simple fait qu'elles soient cautions dirigeantes.

Les cautions dirigeantes sont quasi systématiquement des personnes profanes en matière de cautionnement bancaire.

Concrètement, comment la caution peut savoir s'il faut payer la banque ?

Avant tout paiement de sa dette, la caution doit faire analyser les éventuelles fautes commises par la banque.

Cette analyse est fondamentale puisqu'elle peut relever notamment des causes de nullité ou d'inopposabilité du cautionnement.

En effet, les banques engagent de plus en plus souvent leur responsabilité et, par voie de conséquence, les cautions dirigeantes se trouvent déchargées de leur obligation de garantie de la société cautionnée.

L'importance du respect de leurs obligations par les banques est telle que, même si la caution exerce des fonctions de direction au sein de la société emprunteuse, la banque peut se voir reprocher la conclusion d'un cautionnement qui ne pourrait pas être honoré.

A cet égard, les établissements de crédit doivent se mettre en possession d’informations sur :

- les risques de l’opération ;

- les capacités de remboursement de la société emprunteuse ;

- la capacité d'endettement de la caution pour éviter que le cautionnement soit disproportionné.

Or, au cas par cas, il s'avère que les banques consentent des prêts à des sociétés dont le projet n’est pas viable.

La viabilité du projet pour lequel le prêt est sollicité s’apprécie au regard de l’emprunteur et non en particulier de ses associés.

Ce point est essentiel car les banques ont une certaine tendance à tout mélanger dans le cadre de leur "défense" pour obtenir la condamnation au paiement de la caution.

Ainsi, les juges en sont venus à préciser les modalités à prendre en compte pour vérifier si la banque a respecté ses obligations.

Progressivement, une équation de la charge de remboursement des dettes de la caution par rapport à ses revenus s'est instaurée en jurisprudence.

La jurisprudence est en train de forger un véritable droit du cautionnement, où la question de l'équation de la disproportion est devenue fondamentale pour la défense des cautions appelées en garantie.

La disproportion manifeste doit être appréciée à la date de conclusion du contrat.

Pour la première fois, les juges ont consacré, le 4 décembre 2013, au profit d'un des clients du Cabinet Bem, un taux maximum de proportionnalité de 33% des cautionnements par rapport aux patrimoine et revenus des cautions.

Ce taux est devenu un critérium de référence à connaître et retenir pour toute caution qui souhaite faire annuler sa garantie.

Le cas échéant, la caution dont l’engagement s’avère disproportionné à ses biens et revenus n'aura pas à répondre de son engagement et sera déchargée de toute obligation de paiement envers son créancier.

Lorsque le cautionnement est disproportionné, la banque se trouve dans l’impossibilité de se prévaloir de la caution, pourtant valablement souscrite, qui avait conditionné l’octroi du prêt.

Dès lors, afin de permettre aux juges de se prononcer sur le caractère disproportionné ou non du cautionnement, il est nécessaire de constituer un dossier sur les fautes commises par la banque s'agissant de la méconnaissance de la réalité des biens et revenus de la caution.

La stratégie judiciaire joue à plein dans ce type de contentieux bancaire devenu ainsi technique et complexe.

L'avocat de la caution doit aussi disposer d'un savoir faire sur la composition de l'équation de la disproportion du cautionnement.

Or, cette équation fluctue au grès des décisions de justice rendues.

A titre d'exemple de cette évolution jurisprudentielle, le 3 juin 2015, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel

« la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ». (Cour de cassation, chambre civile 1, 3 juin 2015, N° de pourvoi: 14-13126 14-17203).

Ainsi, contrairement à ce qui était jugé auparavant, les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération projetée ne sont plus à prendre en compte dans l’appréciation de la disproportion de l'engagement de caution.

Le savoir faire d'un praticien spécialisé dans ce type de contentieux garantira le bon résultat du taux de disproportion du cautionnement et du succès de l'argumentation de la caution.

Si les créanciers professionnels doivent calculer le coût et supporter le risque financier des prêts qu’ils octroient, en tant que professionnels, ils doivent surtout éviter de commettre des fautes en ne s'abstenant pas de faire souscrire un cautionnement disproportionné à une personne physique.

Il en résulte un devoir d’abstention de la souscription du cautionnement à la charge banquier au jour de la conclusion qui peut ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts.

Les cautionnements disproportionnés ne sauraient en aucun cas légitimement permettre aux banques de se penser un instant en droit d’escompter la mise en jeu de telles garanties "quand la bise est venue".

NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
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