Le 3 juin 2015, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ». (Cour de cassation, chambre civile 1, 3 juin 2015, N° de pourvoi: 14-13126 14-17203).
En l'espèce, la banque Société Générale a consenti un prêt immobilier à une société civile immobilière (SCI).
Pour en garantir le remboursement du prêt à la banque, l'un des associés de la SCI s'est rendu, avec d'autres personnes, caution solidaire de la société emprunteuse.
A la suite d'incidents de paiement, la banque a assigné les cautions en paiement.
En défense, la caution a invoqué la disproportion du cautionnement sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation aux termes desquelles :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
La caution doit donc justifier du montant de son revenu mensuel net et de sa situation professionnelle au jour la signature du cautionnement afin de mettre le juge en mesure d'apprécier la disproportion de son engagement.
Au cas d'espèce, la caution avait démissionné de son emploi quelques jours avant la signature de l'acte de cautionnement.
Au regard de l'article L. 314-4 du Code de la consommation précité, la cour de cassation a admis la disproportion du cautionnement.
Pour ce faire, elle a considéré que la valeur des droits de la caution dans le capital de la SCI cautionnée, c'est à dire celle du patrimoine immobilier financé par le prêt consenti, ne doit pas être pris en compte dans le calcul de la disproportionnalité du cautionnement.
La disproportion ne peut être appréciée au regard de la valeur des parts détenues par la caution dans la société débitrice principale, lorsque le patrimoine de celle-ci est constitué du seul bien acquis exclusivement au moyen du prêt garanti.
Au détour de la formule de principe précitée se cache une conséquence extrêmement positive pour les cautions et donc négative pour les banques.
En effet, l'appréciation de la disproportion du cautionnement par les juges ne peut se faire en tenant compte de l'augmentation prévisible des revenus de la caution au moment de la conclusion de l'engagement de caution.
Concrètement, à titre d'exemple, si le prêt bancaire contracté par la société devait permettre la réalisation d'un projet lucratif ou d'un business plan prometteur, ces éléments sont hors de l'équation de calcul de la disproportion du cautionnement du dirigeant ou de l'associé qui s'est porté caution de ladite société.
De même, en cas de crédits immobiliers cautionnés par les associés de SCI, la valeur de l'opération à réaliser n'entre pas dans les éléments d'actif de la caution pour l'appréciation de la disproportion du cautionnement.
Il résulte de cette décision que, pour apprécier la disproportion du cautionnement, les juges ne doivent plus prendre compte :
- les facultés de remboursement de la caution « raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération immobilière entreprise par la société » ;
- ni les perspectives de développement de l’entreprise cautionnée.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que les banques ne peuvent plus valablement invoquer l'évolution prévisible des revenus de la caution, ni le succès escompté de l’opération cautionnée, pour tenter de justifier la validité du cautionnement litigieux.
Grâce à cette jurisprudence, la caution assignée en justice par la banque lorsque l’opération est un échec n'est plus désarmée et systématiquement condamnée à payer.
Bien au contraire, cette décision est un exemple qui illustre le courant jurisprudentiel extrêmement positif actuellement en faveur des cautions de sociétés.
A titre d’exemple, au moment où la caution est appelée en paiement, il est fréquent de constater que :
- la banque ne s'est pas correctement ou complètement renseignée sur la situation financière de la caution ;
- après analyse et calcul du taux d'endettement, la disproportion du cautionnement est manifeste.
S'agissant de l'appréciation du caractère disproportionné, le cabinet Bem a obtenu pour la première fois en jurisprudence l'application d'un seuil de disproportion aux cautions dirigeantes.
Les dirigeants cautions ne peuvent ainsi pas être endettées à plus de 33% de leurs revenus et patrimoine.
La manière d'arrivée à un dépassement de ce seuil dépend de la prise en compte de la valeur nette de certains biens et du calcul des revenus nets de la caution.
Enfin, il conviendra de garder en mémoire que :
- d'une part, la communication stratégiquement à dose homéopathique de certaines pièces par la caution ;
- d'autres part, la demande de communication de certaines pièces stratégiques à la banque par la caution ;
sont autant de "coups" à jouer sur l'échiquier de la procédure, dans le cadre de l'action engagée par la banque contre la caution, pour permettre à cette dernière de s'assurer du succès de ses prétentions.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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