En l'espèce, Mme X s'est rendue caution solidaire envers la société Fuchs, fournisseur de lubrifiant, de l'avance sur remises consentie à un garagiste, dans le cadre d'un contrat de fourniture de produits.
Le garagiste se trouvait aussi être le compagnon de la caution.
Ce dernier ayant été défaillant, le créancier a assigné en paiement la caution, laquelle a recherché sa responsabilité compte tenu de la disproportion de l'engagement qu'elle avait souscrit.
Les juges d'appel ont rappelé le principe selon lequel l'établissement prêteur doit, même dans le cas de prêt professionnel, s'assurer de la proportionnalité de l'engagement de la caution, sauf à engager sa responsabilité.
Ils en ont déduit que le créancier avait manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de la caution et est responsable d'une perte de chance de ne pas s'engager en qualité de caution.
En conséquence, le créancier a été condamné en appel à payer à la caution des dommages-intérêts.
La cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel en jugeant que :
- « la caution, fût-elle intéressée par les fruits de l'entreprise, ne pouvait être considérée comme avertie, dès lors qu'elle n'était pas impliquée dans la vie de l'entreprise »
- compte tenu des ses revenus et de ses charges « l'engagement de la caution n'était pas adapté à ses capacités financières car disproportionné ».
Par voie de conséquence, il convient de garder en mémoire que :
- le créancier professionnel est débiteur d'un devoir de mise en garde envers la caution profane ;
- le créancier qui fait souscrire à une caution un engagement disproportionné commet une faute génératrice de responsabilité et ouvrant droit à l'octroi de dommages et intérêts.
Par ailleurs, cet arrêt présente un intérêt pragmatique important s’agissant de la question de l'appréciation de la disproportion par les juges.
En effet, lorsque la caution dispose d’un patrimoine immobilier dont la valeur est supérieure à celle du montant garanti celle-ci se trouve dans l’impossibilité d’invoquer l’existence d’une disproportion du cautionnement.
Cependant, au cas présent, Madame X justifiait avoir souscrit un prêt de 475.000 francs, remboursable sur 20 ans, pour acquérir une parcelle de terre sur laquelle la maison familiale a été construite.
Or, les juges ont pris en considération non seulement l’absence de revenus de la caution, autre que ses allocations familiales, mais surtout le fait que le bien immobilier était affecté d’un crédit.
En effet, certes la caution était propriétaire d’un bien immobilier mais celui-ci était « grevé » d’une dette de remboursement au titre de l’emprunt immobilier souscrit auprès de la banque.
De la sorte, la valeur réelle de son patrimoine était bien inférieure à celle de la valeur vénale du bien immobilier si celui-ci était mis en vente sur le marché.
Ainsi, les juges ont considéré que l'engagement de caution de Madame X n'était pas adapté à ses capacités financières car disproportionné.
Enfin, selon les juges, le préjudice né du manquement du créancier à son obligation de mise en garde.
Celui-ci s'analyse en la perte d'une chance pour la caution de ne pas contracter l'engagement de caution.
En l'espèce, il apparaît que l'engagement de caution a été signé par une personne qui avait un intérêt certain à soutenir l'entreprise de son compagnon, entreprise dont les fruits permettaient notamment à Madame X de financer le remboursement du prêt immobilier relatif à sa maison et d'entretenir sa famille.
Les juges ont donc estimé que, dans ces circonstances, la perte de chance doit être évaluée à 20 %, de sorte que le créancier a été condamné à payer à la caution des dommages et intérêts, laquelle somme se compensera avec la créance du créancier.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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