La valorisation exacte des dettes, revenus et actifs immobiliers de la caution est tout aussi stratégique que celle du montant des engagements bancaires de cette dernière au jour de la conclusion du cautionnement litigieux.
Il a ainsi été jugé au profit d'une cliente du cabinet Bem, le 11 juillet 2014, que :
« Lorsque le prêteur conclut un contrat de crédit, il est censé avoir estimé préalablement par tout moyen à sa disposition que le garant sera raisonnablement à même de respecter les obligations découlant de son engagement.
Qu'en l'espèce, le patrimoine et la rémunération déclarée de Madame X étaient très insuffisants pour lui permettre d'éteindre la dette de son engagement.
Qu'il y a donc disproportion entre le montant de l'engagement garanti et le patrimoine et les revenus au sens de l'article L 341-4 du code de la consommation.
Qu'en conséquence, le tribunal dira que le principe de proportionnalité n'a pas été respecté par le CIC lors de la signature de l'acte de cautionnement par Madame X et faisant application des dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation, dira que le CIC n'est pas fondé à se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par Mme X et déboutera le CIC de ses demandes ».
Cette décision est intéressante à plusieurs égards car :
- Elle érige sous forme de principe que le banquier qui sollicite un cautionnement doit respecter une obligation particulière de renseignement sur la situation financière de la caution personne physique, et ce préalablement à la souscription de son engagement de caution auprès de la banque ;
- Il importe peu que les données figurant sur la fiche de renseignements relatives au patrimoine et aux revenus de la caution soient surévaluées. La banque ne peut donc pas se prévaloir des erreurs ou des inexactitudes commises par la caution lorsqu'elle a rempli le questionnaire de la banque, contrairement aux assurances qui peuvent faire annuler les contrats d'assurance en cas de fausse déclaration par l'assuré.
- Le banquier doit tenir compte de l'emploi et de l’épargne dont disposait la caution en cas d'apport en numéraire réalisé par cette dernière lors de son entrée en société. Concrètement, la banque doit se renseigner sur le sort de l'épargne dont dispose la caution pour le financement de l'acquisition de parts sociales ou l'achat du fonds de commerce avant de solliciter une garantie bancaire auprès de la caution.
- « les dépenses courantes » et les charges courantes de la caution, dont le loyer, sont prises en compte dans le calcul de la disproportion du cautionnement.
Le dirigeant social ou toute personne caution de sociétés peut tenter de se dégager de son engagement en se prévalant de la disproportion du cautionnement pour faire annuler sa dette.
Or, au moment où la caution est appelée en paiement, il est fréquent de constater que :
- la banque ne s'est pas correctement ou complètement renseignée sur la situation financière de la caution ;
- après analyse et calcul du taux d'endettement, la disproportion du cautionnement soit manifeste.
S'agissant de l'appréciation du caractère disproportionné, le cabinet Bem a obtenu pour la première fois en jurisprudence l'application d'un seuil de disproportion aux cautions dirigeantes.
Les dirigeants cautions ne peuvent ainsi pas être endettées à plus de 33% de leurs revenus et patrimoine.
La manière d'arrivée à un dépassement de ce seuil dépend de la prise en compte de la valeur nette de certains biens et du calcul des revenus nets de la caution.
Enfin, il conviendra de garder en mémoire que :
- d'une part, la communication stratégiquement à dose homéopathique de certaines pièces par la caution ;
- d'autres part, la demande de communication de certaines pièces stratégiques à la banque par la caution ;
sont autant de "coups" à jouer sur l'échiquier de la procédure, dans le cadre de l'action engagée par la banque contre la caution, pour permettre à la caution de s'assurer du succès de ses prétentions.
Enfin, il convient de rappeler que, le 3 juin 2015, la Cour de cassation a posé un principe en faveur des cautions selon lequel
« la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ». (Cour de cassation, chambre civile 1, 3 juin 2015, N° de pourvoi: 14-13126 14-17203).
Ainsi, contrairement à ce qui était jugé auparavant, les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération projetée ne sont plus à prendre en compte dans l’appréciation de la disproportion de l'engagement de caution.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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