Pour mémoire, l’article 1415 du code civil dispose que :
« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ».
En restreignant l'assiette du droit de poursuite des créanciers aux biens propres et aux revenus de l’époux qui s'est engagé, l’article 1415 du code civil a pour finalité de protéger le patrimoine commun des époux contre les engagements dangereux tels que les cautionnements bancaires, les crédits financiers et les emprunts immobiliers.
De ce fait, le consentement exprès de chacun des époux à l’engagement de caution de l’autre est nécessaire pour que les biens communs soient engagés dans le cadre de cette garantie.
En l’espèce, deux époux communs en biens se sont rendus caution solidaire envers une banque pour garantir le remboursement d’un prêt consenti au profit d’une société.
Cette dernière ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement les cautions, qui ont recherché sa responsabilité.
La cour d’appel a rejeté la demande des cautions en considérant que ces dernières se sont engagées en termes identiques sur le même acte de prêt pour la garantie de la même dette.
Il en résulte que les époux ne pouvaient pas valablement se prévaloir de l’article 1415 du code civil pour soutenir que leurs engagements ne pouvaient être poursuivis sur leurs biens communs.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation.
A l’instar des juges d’appel, la Cour de cassation a estimé que les époux se sont engagés en termes identiques sur le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette.
Par conséquent, les époux s’étant engagés simultanément, l'article 1415 du code civil n'avait pas vocation à s'appliquer.
Ainsi, lorsque deux époux mariés sous le régime de la communauté s’engagent simultanément en qualité de cautions pour garantir une même dette auprès d’un même créancier, celui-ci peut poursuivre l’exécution de sa créance sur les biens communs.
En outre, la Cour de cassation a considéré que lorsque les dispositions de l'article 1415 du code civil sont écartées, les engagements des cautions s'apprécient tant au regard de leurs biens et revenus propres que de ceux de la communauté.
Autrement dit, en présence d’époux communs en biens tous deux cautions solidaires d’une même dette, l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de chacun d’eux doit être effectuée non seulement en considération des biens propres de l’époux concerné mais également au regard des biens communs du couple.
La solution semble se justifier par le jeu de l'article 1413 du code civil, dans la mesure où chaque époux s'est porté caution envers le créancier, il engage à la fois ses biens propres et ses biens communs.
Dès lors, il semble légitime de faire une masse de tous les biens des époux mariés sous le régime de communauté et de tenir compte des biens communs pour déterminer si leur cautionnement est ou non proportionné.
Cependant, on pourrait imaginer qu'un cautionnement puisse être proportionné pour un époux et disproportionné pour l'autre.
Par exemple, l'un des époux peut avoir une masse de biens propres plus importante que celle de son conjoint et la masse des biens communs peut se révéler insuffisante à garantir l'engagement des époux.
Une telle situation démontre que la prudence s’impose en matière de cautionnement et illustre l’intérêt pour les époux souhaitant se rendre caution sans que leurs biens communs soient engagées d’être utilement conseillé par un avocat spécialisé.
Enfin, cette décision rappelle la nécessité de bien choisir son régime matrimonial pour être protégé en cas de contentieux et de couvrir sa famille en cas de poursuite judiciaire.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com