Le 6 février 2014, la Cour de cassation a jugé que la caution peut engager la responsabilité de l'assureur pour refus d’exécution du contrat d'assurance pour se défendre et échapper à son obligation de paiement des dettes de la société sinistrée. (Cass. Civ. II, 6 février 2014, N° de pourvoi: 13-10540 & 13-10745)
Cette jurisprudence est importante en ce qu’elle offre un nouveau moyen de défense aux cautions de sociétés dans le cadre de leur appel en garantie du paiement des dettes de ces dernières et étend la responsabilité des assureurs.
En l'espèce, une société a acquis un fonds de commerce de café-bar-restaurant au moyen de deux prêts souscrits auprès de deux établissements bancaires différents et pour le remboursement desquels le gérant et son père se sont portés cautions personnelles et solidaires.
Un incendie a détruit le fonds de commerce et la société a demandé la prise en charge du sinistre à la société Generali (l’assureur) auprès de laquelle elle avait souscrit une police d’assurance multirisque.
Celle-ci a refusé sa garantie et a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile pour destruction volontaire et tentative d’escroquerie qui a abouti à une ordonnance de non-lieu.
L’absence de possibilité d’exploitation du fonds par suite du sinistre non indemnisée par l’assureur a conduit la société à la liquidation judiciaire
Le refus de garantie opposé par l’assureur a été directement à l’origine du prononcé de la liquidation judiciaire de la société et partant de la mise en cause des cautions.
Les cautions ont donc assigné l’assureur en responsabilité et aux fins d'indemnisation des préjudices subis du fait de son refus de garantie.
L'assureur a notamment fait valoir pour sa défense la prescription de l'action des cautions.
En effet, pour mémoire, l’article L.114-1 du code des assurances pose le principe selon lequel toute action dérivant d'un contrat d’assurance est prescrite par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Concrètement, les parties à un contrat d’assurance sont soumises au respect d'un bref délai de prescription de deux ans pour toutes les actions nées du contrat d'assurance.
La question qui se posait était donc de savoir si ce délai s'appliquait ou non aux cautions dans le cadre des actions en responsabilité qu'elles sont susceptibles de mettre en œuvre à l'encontre des compagnies d'assurance au titre de leur défaut de garantie ou du non-respect de leur obligation de couverture.
Au cas présent, les juges ont estimé que l'assureur était responsable d'une inexécution fautive du contrat d’assurance et que l’action des cautions contre l'assureur n'était pas prescrite.
Les juges ont donc octroyé aux cautions une indemnisation comprenant les sommes définitivement exposées en remboursement des créanciers de la société, de la moins-value réalisée à l’occasion de la vente amiable en urgence du bien hypothéqué, des frais de mise en vente et en réparation de leur préjudice moral.
La cour de cassation a jugé que :
« il convient en conséquence de faire application des dispositions de l’article 2270-1 ancien du code civil, issu de la loi du 5 juillet 1985, en vigueur à l’époque des faits, que la prescription décennale a commencé à courir le 24 août 2004, date du refus de garantie opposé à la société La Txalupa par l’assureur ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a exactement déduit que l’action intentée par les [cautions], tiers au contrat d’assurance, n’était pas soumise à la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances et, par conséquent, n’était pas prescrite ».
Autrement dit, la caution de l’assuré qui exerce son recours contre l’assureur est un tiers au sens de l’article L.114-1 du code des assurances, de sorte que la prescription biennale ne peut lui être opposée.
Ainsi, toutes les actions dérivant du contrat d’assurance ne sont pas prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
L’action en responsabilité délictuelle exercée par un tiers contre l’assureur en se fondant, non pas sur la méconnaissance par ce dernier d’un devoir d’ordre général qui lui serait imposé par la loi, mais sur l’inexécution d’une stipulation du contrat d’assurance ne dérive pas pour autant du contrat d’assurance au sens de l’article L.114-1 du code des assurances.
Par conséquent, la mise en jeu de la responsabilité de l’assureur pour inexécution fautive par celui-ci de ses obligations contractuelles au titre de la police d’assurance n'est pas soumis à la prescription de deux ans mais de cinq ans à compter de la date de refus de garantie.
Surtout, il découle de cette jurisprudence que lorsque le refus de garantie opposé par l’assureur est à l’origine du prononcé de la liquidation judiciaire d'une société, les cautions de la société peuvent mettre en cause la responsabilité de l'assureur pour résistance abusive et bénéficier de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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