Le 14 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que la banque commet une faute de négligence en s'abstenant de solliciter le nantissement judiciaire du fonds de commerce de la société débitrice lorsque le recouvrement de la créance est menacé, de sorte que, le cas échéant, la caution puisse être totalement déchargée de ses obligations de paiement et de garantie envers la banque. (Cass. Com., 14 janvier 2014, N° de pourvoi: 12-21389)
En l’espèce, une banque a sollicité la conclusion d’un engagement de caution solidaire en garantie de remboursement de crédit consenti à une société.
En défense, la caution a sollicité sa décharge en invoquant la faute de la banque, qui aurait négligé de prendre le gage qui aurait permis son entier paiement.
En effet, pour mémoire, aux termes des articles 1134 et 1147 du code civil, chaque cocontractant a l'obligation de respecter le contrat auquel il a consenti tel qu'il a été conçu, outre celle de se montrer loyal dans la manière d'exécuter les obligations mises à sa charge et d'exercer son pouvoir contractuel.
Sur ces fondements, les juges d’appel et de cassation ont considéré que la caution était déchargée de toute obligation de paiement envers la banque du chef de son engagement de caution.
Pour ce faire, ils ont pris en compte le fait que la banque devait tout mettre en œuvre pour alléger le poids de la dette garantie,
Or, au cas présent, la banque avait la triple qualité de :
- séquestre du prix de vente du fonds de commerce appartenant à la société ;
- dispensatrice d'une ligne de trésorerie en faveur de celle-ci ;
- teneur du compte bancaire de la caution dont la situation financière personnelle était depuis plusieurs années précaire.
Ainsi, la banque connaissait le risque de difficulté de paiement de la caution.
Les juges ont donc estimé qu’en s'abstenant de prendre une sûreté sur le fonds de commerce appartenant à la débitrice principale, la banque s’est privée d’une inscription judiciaire sur le fonds litigieux qui lui aurait permis d’optimiser ses chances de règlement de sa créance par la société et manifestement d'éviter à la caution d'être poursuivie.
Par conséquent, compte tenu du fait que cette négligence de la banque était principalement à l'origine du préjudice de la caution, celle-ci était en droit d'obtenir une décharge intégrale de son obligation de paiement et de garantie envers elle au titre du cautionnement.
Il résulte de cette décision que la caution peut être totalement déchargée de ses obligations de paiement et de garantie en se fondant sur l'article 1147 du code civil et les règles de la responsabilité contractuelle indépendamment du mécanisme de l'exception de subrogation de l'article 2314 du code civil lorsqu’elle ne peut plus être subrogée dans les droits, privilèges et hypothèques du créancier par la faute de ce dernier.
Sans rentrer dans les aspects techniques de ces fondements juridiques, il conviendra de garder en mémoire que la caution peut être libérée de son engagement lorsque la banque commet une négligence en s'abstenant de prendre une garantie sur le fonds de commerce appartenant à la société débitrice.
La banque commet donc une faute de négligence en s'abstenant de solliciter le nantissement judiciaire du fonds de commerce de la société débitrice lorsque le recouvrement de la créance est menacé.
L’existence de cette faute de négligence envers la caution est totalement indépendante de la qualité de caution avertie ou non de l'intéressé.
Le dirigeant de société cautionnée pourra donc mettre en jeu la responsabilité de la banque dans de nombreuses situations et, en tout état de cause, à chaque fois que cette dernière l’assigne en paiement des dettes de la société au titre du cautionnement souscrit.
Pour conclure, la banque doit, non seulement s'abstenir de tout ce qui peut nuire au recours subrogatoire du garant mais également, tout mettre en œuvre pour alléger le poids de la dette garantie, à défaut de quoi la caution est en droit d'obtenir une décharge intégrale de son obligation de garantie.
Cet arrêt offre donc de nouveaux et sérieux moyens de défense aux cautions solidaires des dirigeants de sociétés appelés en garantie de remboursement des dettes de ces dernières, outre les vices de formes et la disproportion de leurs engagements par rapport à leurs revenus et patrimoines.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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