Le 3 juin 2021, la cour d’appel d’Aix en Provence a condamné la Banque Populaire à indemniser une caution poursuivie en paiement du préjudice particulier de stress subi par cette dernière au titre de la procédure judiciaire en recouvrement engagée à son encontre et pour défaut de loyauté de la part de la banque (CA Aix-en-Provence,3 juin 2021, n° 18/11851)
En l’espèce, la Banque Populaire Méditerranée a consenti à un salon de coiffure un prêt avec pour garantie un cautionnement solidaire du dirigeant et de son épouse.
À la suite de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire du salon de coiffure, la banque a cru devoir assigner les cautions afin d’obtenir leur condamnation à payer le solde du crédit accordé à la société.
La banque a obtenu en première instance leur condamnation mais les cautions ont relevé appel du jugement car depuis 2013, aucune lettre d’information à la caution ne leur a été adressée en cette qualité.
En effet, selon l’article L313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.
De même, aux termes de l’ancien article L341-6 du code de la consommation applicable au litige, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.
Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
Sur ce fondement, les cautions invoquaient le fait que la banque n’aurait pas satisfait à son obligation légale d’information annuelle.
En effet, il repose sur la banque la preuve de l’envoi et du contenu de l’information annuelle qui pèse sur elle en vertu des dispositions légales ci-dessus rappelées.
Or, la copie des lettres annuelles d’information que la banque a produit aux débats étaient insuffisantes à rapporter la double preuve de l’envoi et du contenu de l’information pesant sur l’établissement financier et, ce, jusqu’à l’extinction totale de la dette.
En conséquence, la cour d’appel a jugé que la banque n’a pas satisfait à son obligation annuelle d’information et l’a déchu des intérêts, pénalités et intérêts de retard.
Ainsi, la totalité des intérêts payés doit être soustraite du décompte de la banque à partir de la date à laquelle elle a failli à son obligation d’information à l’égard des cautions.
Enfin, dans la présente instance, les cautions ont désintéressé la banque par le paiement effectué suite à la vente d’un de leur immeuble, et justifie du virement à la banque presque deux ans avant le prononcé du jugement de condamnation rendu en première instance, ce que la banque a tenté de cacher aux premiers juges.
Les cautions ont donc utilement sollicité l’octroi de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice particulier de stress subi à cause de la procédure judiciaire en recouvrement initiée à leur encontre par la banque et du jugement de condamnation rendu en première instance, eu égard à leur âge.
Les juges ont donc sanctionné le défaut de loyauté de la banque dans la conduite de cette procédure par la condamnation de cette dernière à payer des dommages et intérêts aux cautions outre le remboursement de leurs frais d’avocat.
Il est aussi intéressant de relever que les juges d’appel n’ont pas cru devoir prendre en compte la maladie dont souffrait l’une des deux cautions, en l’absence de pièces justificatives à cet égard ; de sorte que l’argument de la mauvaise foi de la banque est à lui seul suffisant pour faire condamner cette dernière de ce chef le cas échéant.
Dans ce contexte, la cour d’appel a posé le principe selon lequel les cautions sont en droit d’obtenir la condamnation de la banque à leur verser des dommages et intérêts destinés à réparer leur préjudice particulier de stress subi à cause de la procédure judiciaire en recouvrement initiée de manière cavalière à leur encontre ou de mauvaise foi.
Ce principe s’il n’est pas nouveau en théorie il l’est en pratique.
On sait en effet que les banques ne sont pas toujours de bonne foi et abusent parfois de leur situation ou de leur qualité.
Il est regrettables toutefois que les juges n’aient été plus loin dans la formulation de leur décision en posant les mots.
Dans la continuité de l’évolution positive du droit bancaire, du crédit et du cautionnement en faveur des clients des banques, grâce essentiellement à la jurisprudence, depuis la fin des années 2000, cette décision rappelle que les cautions ne sont plus dans une situation d’infériorité par rapport aux banques.
Elles bénéficient d’une capacité de réplique en formulant des demandes indemnitaires lorsque la banque aura abusé de son droit d’agir en justice de mauvaise foi.
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Anthony Bem
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