La cour d’appel de Versailles a jugé que le conseiller immobilier est tenu au respect d’une obligation de conseil renforcée vis-à-vis de son client, et doit pouvoir en rapporter la preuve en cas de préjudices financiers subis par ce dernier au titre de la vacance locative du bien et du prix de revente à perte du bien immobilier acquis en vue de bénéficier d’un avantage fiscal prévu par la loi (Cour d’appel de Versailles, 3èmechambre, 2 Février 2017, R.G. N° 15/01693).
En l’espèce, un conseiller indépendant, a fait une simulation au profit de Monsieur Y portant sur un investissement immobilier à réaliser dans le cadre du dispositif d’avantage fiscal dit « loi de Robien ».
Au terme de cette simulation, Monsieur Y a conclu un contrat de livraison de biens immobiliers et un mandat de gestion locative dans une résidence à construire à Carcassonne.
La vente en l’état de futur achèvement devait intervenir moyennant un prix total de plus de 310.000 euros.
Ces acquisitions étaient intégralement financées au moyen d’emprunts bancaires.
Or, contrairement aux promesses qui lui été faites, les biens n’ont pu être loués et le client a perdu la possibilité de défiscalisation qui constituait l’attrait essentiel de son investissement.
Monsieur Y a donc décider de vendre les biens immobiliers qui n’ont pu l’être qu’au prix de 150.000 euros et a fait assigner son conseiller immobilier et la banque en responsabilité pour manquement à leurs obligations précontractuelles d’information, de conseil et/ou de mise en garde.
En première instance, le tribunal a estimé que le conseiller immobilier n’était pas intervenu auprès de son client en qualité de simple intermédiaire en transaction immobilière mais que sa mission première était celle d’un conseil en immobilier de placement et que c’était à tort que la qu’il soutenait que l’avantage fiscal lié à la mise en œuvre de la loi dite « de Robien » n’était pas entré dans le champ contractuel.
Le tribunal a jugé que le conseil en gestion avait manqué à son obligation de conseil et d’information et que le préjudice qui en est résulté pour son client résidait dans la perte d’une chance de ne pas avoir contracté si une information complète et objective lui avait été donnée.
En conséquence, le tribunal a condamné le conseiller immobilier à payer à Monsieur Y la somme de près de 130.000 euros à titre de dommages et intérêts.
En revanche, les premiers juges ont considéré que les prêts consentis n’étaient pas excessifs et qu’aucune responsabilité n’était donc encourue par la banque.
La cour d’appel a confirmé que le dispositif de défiscalisation était un élément essentiel du projet car :
- la plaquette commerciale évoquait un « investissement de qualité, dans une ville médiévale séduisante et innovante à la conquête du futur », souligne que le projet est situé dans un quartier très prisé et affirme que les prestations de la résidence « garantissent une forte demande locative »
- la fiche d’étude personnalisée désignait le bien comme étant « un bien Robien », réalisait une simulation du gain fiscal réalisé et concluait : « c’est vraiment un très bon moyen pour faire fructifier à profit l’argent de vos impôts »
La cour d’appel juge ainsi que le conseiller immobilier n’a pas joué que le rôle de simple intermédiaire en transaction immobilière et qu’il a au contraire donner un conseil en immobilier de placement, « son argument de vente étant non pas le bien immobilier en tant que tel mais l’avantage que pouvait procurer l’acquisition d’un bien financé par un emprunt, destiné à la location, en vue de bénéficier d’un avantage fiscal prévu par la loi ».
Selon la cour d’appel, le conseiller immobilier était donc tenu à une «obligation d’information sincère et complète, devant la conduire à faire état des caractéristiques les moins favorables de l’investissement proposé et des éventuels risques encourus, qui peuvent être le corollaire des avantages annoncés ».
En outre, selon les juges d’appel, le fait que les simulations aient porté la mention « document non contractuel » ne modifie en rien la réalité de ses obligations.
En pratique, le document remis par le conseiller à l’investisseur doit fournir une information pertinente sur :
- l'état du marché de la location à la date de l'étude ;
- les perspectives de croissance de ce marché ou, au contraire, de surcapacité ;
- le caractère non garanti des variables utilisées pour l’établissement de la simulation, plus spécifiquement du prix de revente de l’immeuble, du revenu locatif mensuel et des charges locatives et d’impôts locaux ;
- l’impossibilité de maîtriser les variables intégrées dans ces calculs, de telle sorte que sa simulation n’avait pas de valeur économique fiable.
Surtout, les juges d’appel ont tenu compte, en l’espèce, de ce qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, le conseiller ne pouvait pas ignorer le phénomène de saturation du marché locatif de Carcassonne de sorte que les conclusions de l’étude ne pouvait faire naître l’espoir d’un gain fiscal certain sans préciser les conditions d’application de l’avantage fiscal et les risques de perte de cet avantage en cas de vacance locative prolongée, risque qui au cas présent s’est réalisé.
Dans ce contexte, les juges d’appel ont estimé que les manquements du conseiller immobilier à son obligation d’information et de conseil sont caractérisés, de nature à engager sa responsabilité de sorte qu’il devait indemniser le dommage consistant en une perte de chance de ne pas avoir contracté ou d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses si une information complète et objective avait été donnée.
Les juges ont évalué la perte de chance subie à 70 % des pertes financières résultant de l’investissement.
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Anthony Bem
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