Condamnation d’un site internet belge malgré la mise en ligne du contenu illicite par un internaute

Publié le 24/10/2012 Vu 4 246 fois 0
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Le 12 octobre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’un site internet qui procède à des opérations de sélection des articles après un examen détaillé de leur contenu engage sa responsabilité en tant qu’éditeur de contenus lorsque ces derniers s'avèrent être illicites (en l’espèce la reproduction d’une photographie sans l’autorisation de son auteur) (TGI Paris, 12 octobre 2012, 3ème chambre, 2ème section, N° RG : 11/09814).

Le 12 octobre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’un site internet qui procède à des

Condamnation d’un site internet belge malgré la mise en ligne du contenu illicite par un internaute

En l’espèce, Monsieur X, photographe professionnel, indique être l'auteur d'une photographie intitulée “Coupez, mais coupez bon sang”.

Le photographe a constaté que le site internet AGORAVOX, géré par la fondation AGORAVOX, se propose de publier des articles d’humeur ou factuels portant sur l’actualité médiatique, écrits par des internautes, avait reproduit dans un article la photographie revendiquée sans son nom ni son autorisation.

Monsieur X, après avoir établi un constat d’huissier de justice et adressé une mise en demeure a assigné le site internet précité devant la Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d’auteur pour obtenir réparation des préjudices subis.

Tout d’abord, le tribunal a estimé que la photographie litigieuse bénéficiait bien de la protection prévue par le Code de la propriété intellectuelle et que la matérialité de la contrefaçon était établie.

Cependant, pour s’opposer à l’action en contrefaçon, le site internet a cru pouvoir, s’appuyer sur l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

L’article 6, I, 2 de la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que :

“Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services, si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou des faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou, si dès le moment où elles ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.”

Il découle de ce texte un double régime ou une dualité de régimes de responsabilité pour les sites internet :

- De plein droit, pour les sites auteurs des contenus mis en ligne ;

- Limitée, allégée, atténuée ou conditionnée, pour les sites simplement hébergeurs du contenus mis en ligne par les internautes.

Ainsi, le site Agoravox prétendait être ni rédacteur des articles paraissant sur son site, ceux -ci étant l’œuvre des utilisateurs du service, ni éditeur de ses contenus, l’ordre de présentation des articles dépendant automatiquement du vote des lecteurs qui le détermine en fonction des résultats obtenus par chaque article, ceux qui reçoivent le plus de vote favorable figurant en premier rang et donc sur les premières pages du site.

Elle entendait de ce fait bénéficier du statut d’hébergeur aux termes duquel sa responsabilité ne peut être engagée qu’après avoir eu connaissance d’un contenu illicite et en l’absence de sa part d’un prompt retrait dudit contenu.

Cependant, le site www.agoravox.fr, comportait une page intitulée “politique éditoriale” qui expose le processus qui préside à la publication d’un article. Il apparaît notamment que la publication des articles proposés par les utilisateurs est subordonnée au passage d’un premier filtre constitué par le vote, explicité par un petit commentaire, en faveur ou non de la publication, par les “moderateurs”qui sont des rédacteurs bénévoles ayant publié au moins quatre articles sur le site et qui forment le comité de rédaction, puis d’un deuxième filtre assumé par l’équipe D’AGORAVOX qui, “pour des raisons évidentes de responsabilité juridique..., finalise ou non la publication de l’article” après avoir synthétisé les commentaires des modérateurs, contrôlé le quorum des votes et vérifié également “que les votes respectent le cadre de la politique éditoriale”.

Dans ce contexte, le tribunal a jugé que :

 « Il résulte de cette présentation du fonctionnement du site, qui n’est pas contestée par la défenderesse, que LA FONDATION AGORAVOX ne se limite pas à fournir un service technique de stockage des articles émanant de tiers en vue de leur mise en ligne à disposition du public, ce qui la cantonnerait à une fonction d’hébergeur, mais qu’elle procède à des opérations de sélection des articles après un examen détaillé de leur contenu d’une part par des bénévoles, eux-mêmes sélectionnés en fonction de critères fixés par le gérant du site, et d’autre part par des membres de l’équipe du site qui veillent notamment à la légalité des contenus et au respect d’une politique éditoriale. L’objectif et les modalités de cette intervention confèrent dès lors à LA FONDATION AGORAVOX la qualité d’éditeur dont la responsabilité relève du droit commun.

Aussi en tant qu’éditeur, et de ce fait responsable du contenu de l’article publié contenant la reproduction de la photo de Monsieur X, LA FONDATION AGORAVOX ,a commis les actes de contrefaçon invoqués ».

Par voie de conséquence, le tribunal a condamné le site internet à indemniser Monsieur X au titre de ses préjudices patrimonial résultant de l’atteinte à ses droits d’auteur ainsi qu’une réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte à ses droits d’auteur.

Cette affaire rappelle que les sites internet qui opèrent un contrôle a priori des contenus mis en ligne ont la qualité d’éditeur et engagent leur responsabilité de plein droit dès lors que ceux-ci sont illicites, c'est-à-dire au titre des propos diffamatoires, injurieux, dénigrants, attentatoires au droit au respect de la vie privée, en violation du droit à l’image, en contrefaçon de droits d’auteur, etc …

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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