Pour mémoire, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Sur le fondement du droit de propriété, le contentieux entre voisins gâche parfois le plaisir de vivre ensemble de nombreux justiciables.
En effet, aux antipodes de la « fête des voisins », qui donne lieu chaque année à des réunions amicales de voisins dans certains quartiers de grandes villes, parfois la fête des voisins se déroule dans les prétoires des tribunaux et donne lieu à un contentieux houleux et douloureux.
Pour justifier juridiquement cette fête judiciaire, les juges ont instauré la notion de trouble de voisinage.
La définition de la notion de trouble de voisinage ne figure pas dans le code civil, et se trouve être une création jurisprudentielle.
Ce fondement juridique est susceptible d’être invoqué lorsque les 3 conditions cumulatives suivantes sont réunies à savoir :
- Un trouble de voisinage,
- Un préjudice,
- Un lien de causalité entre le trouble et le préjudice.
Ainsi, le droit de propriété est limité par l’obligation qu’a tout propriétaire de ne causer à son voisin aucun trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité étrangère à la notion de faute.
Il appartient au juge saisi d’une demande sur ce fondement d’apprécier au cas par cas le caractère normal ou anormal du trouble invoqué.
En général, les juges sanctionnent le trouble anormal de voisinage par l’octroi d’une indemnisation au profit de la victime, à proportion du trouble subi.
S’agissant de l’examen du trouble et de sa sanction, la Cour d’appel de Nancy a rendu un arrêt intéressant, aux termes duquel elle a jugé que :
« le respect des dispositions légales ou réglementaires n’exclut pas l’existence éventuelle des troubles excédent les inconvénients anormaux du voisinage de sorte que toute construction, même réalisée conformément à un permis de construire et aux règles d’urbanisme, est toujours édifiée sous réserve des droits des tiers, il résulte du rapport d’expertise que la perte importante d’ensoleillement et de luminosité subie par le fonds de Madame X par le fait de la construction du pavillon voisin excède les limites du droit de propriété de Madame Y » (Cour d’appel de Nancy, 29 juin 2014, n°14/01346).
En l’espèce, Madame X et Madame Y sont voisines et propriétaires chacune d’une parcelle sur laquelle est édifiée leur maison.
Madame Y a déposé un permis de construire pour construire une extension à l’arrière de son pavillon en limite de propriété avec le fond voisin.
Or, cette construction entraînait une perte d’ensoleillement et de luminosité sur le terrain de Madame X, qui ne pouvait plus bronzer tranquillement.
Mécontente de cette construction voisine, Madame X a donc saisi en référé la justice pour que soit ordonnée la démolition de cette construction.
Une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge afin de déterminer la perte d’ensoleillement et de luminosité.
L’expert judiciaire a confirmé la perte de luminosité du début d’après-midi jusqu’au soir et estimé qu’elle atteignait 70 %.
Le juge a considéré que le trouble anormal du voisinage était constitué et condamné Madame Y à la démolition de la construction litigieuse.
L’argument de Madame Y, selon lequel le permis de construire excluait l’existence d’un trouble de voisinage, n’a donc pas été retenu.
Il résulte de cette décision que la perte d’ensoleillement et de luminosité peut être constitutive d’un « inconvénient anormal du voisinage ».
Bien que la notion d’inconvénient est moindre que celle de trouble, l’inconvénient anormal du voisinage est susceptible de donner lieu à la démolition de l’ouvrage.
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Anthony Bem
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