En l'espèce, la commune d’Abbeville a confié un marché de travaux publics consistant en la pose de pavements à la société Les Compagnons Paveurs.
Ce prestataire était assuré auprès de la société Axa.
Des désordres sont apparus et après expertise, la société Les Compagnons Paveurs a été condamnée à indemniser la commune d’Abbeville.
C'est dans ce contexte que la société Les Compagnons Paveurs a assigné en garantie la société Axa, pour prendre à sa charge financièrement cette condamnation.
Pour ne pas prendre en charge le sinistre, la compagnie d'assurance s'est prévalue du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 alinéa 1er du code des assurances qui dispose que :
"Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance" .
Cependant, la société Les compagnons paveurs a soulevé l’inopposabilité et donc l'inapplication à son encontre du moyen tiré de la prescription de son action fondée sur les dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances, faute pour la société Axa d’avoir précisé les causes d’interruption de la prescription dans le contrat d’assurance qu’elle a souscrit.
En effet, selon l’article R. 112-1 du code des assurances, l’assureur est notamment tenu de rappeler dans le contrat d’assurance "la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance ".
Il est a noté que le législateur n'a pas prévu expressément que les causes d’interruption de la prescription doivent être mentionnées dans les contrats d'assurance.
Dans la présente affaire, les conditions générales du contrat d’assurance prévoyaient simplement que : « Toutes actions dérivant de ce contrat sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance (art. L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances) ».
Pour mémoire, l'article L114-2 du code des assurances dispose que :
"La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité".
Ainsi, la compagnie d'assurance faisait valoir que :
- les conditions générales mentionnent bien le délai de prescription de deux ans ;
- les textes essentiels y étaient expressément visés ;
- l’article R. 112-1 du code des assurances n’exige pas de l’assureur la reproduction in extenso de ces articles.
Les juges d'appel ont rejeté les prétentions de la société Les Compagnons Paveurs et donné raison à l'assureur, considérant que les termes des conditions générales du contrat d’assurance précités respectent bien la loi.
Mais la Cour de cassation n'a pas été du même avis et a cassé et annulé l'arrêt d'appel.
Selon elle, l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré de la prescription biennale :
- les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ;
- les causes d’interruption de ce délai prévues à l’article L. 114-2 du code des assurances.
Cette jurisprudence ajoute donc au texte de l’article R. 112-1 du code des assurances puisqu'elle conduit à considérer que l’assureur est tenu de la reproduction in extenso desdits articles relatifs à la prescription biennale en matière d'assurance.
Cette obligation jurisprudentielle s'applique à tous les contrats d’assurance suivants :
1. Accidents (y compris les accidents de travail et les maladies professionnelles), qu'il s'agisse de prestations forfaitaires ou indemnitaires ou de personnes transportées,
2. Maladie, qu'il s'agisse de prestations forfaitaires ou indemnitaires,
3. Corps de véhicules terrestres (autres que ferroviaires), pour tout dommage subi par un véhicules terrestres à moteur ou un véhicule terrestre non automoteur,
4. Corps de véhicules ferroviaires pour tout dommage subi par les véhicules ferroviaires,
5. Corps de véhicules aériens pour tout dommage subi par les véhicules aériens,
6. Corps de véhicules maritimes, lacustres et fluviaux pour tout dommage subi par ces véhicules,
7. Marchandises transportées (y compris les marchandises, bagages et tous autres biens) pour tout dommage subi par les marchandises transportées ou bagages, quel que soit le moyen de transport,
8. Incendie et éléments naturels pour tout dommage subi par les biens lorsqu'il est causé par incendie, explosion, tempête, éléments naturels autres que la tempête, énergie nucléaire, affaissement de terrain,
9. Tout dommage subi par les biens lorsque ce dommage est causé par la grêle ou la gelée, ainsi que par tout événement, tel le vol,
10. Responsabilité civile véhicules terrestres automoteurs pour tout emploi de véhicules terrestres automoteurs (y compris la responsabilité du transporteur),
11. Responsabilité civile véhicules aériens pour tout emploi de véhicules aériens (y compris la responsabilité du transporteur),
12. Responsabilité civile véhicules maritimes, lacustres et fluviaux pour tout emploi de ces véhicules (y compris la responsabilité du transporteur),
13. Responsabilité civile générale,
14. Crédit tel que l'insolvabilité, le crédit à l'exportation, la vente à tempérament, le crédit hypothécaire, le Crédit agricole,
15. Caution directe ou indirecte,
16. Pertes pécuniaires diverses pour les risques d'emploi, les insuffisance de recettes, le mauvais temps, les pertes de bénéfices, la persistance de frais généraux, les dépenses commerciales imprévues, la perte de la valeur vénale, les pertes de loyers ou de revenus, les pertes commerciales indirectes autres que celles mentionnées précédemment, les pertes pécuniaires non commerciales,
17. Protection juridique.
Par conséquent, pour pouvoir bénéficier du bref délai de prescription de deux ans les compagnies d'assurances devront impérativement :
- viser les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances dans leurs contrats ;
- citer expressément les termes des articles précités et in extenso ou au moins préciser l'objet des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances.
A défaut, le délai de deux ans ne s'appliquera pas à l'assuré dont le recours sera soumis à la prescritpion de droit commun de cinq ans conformément aux dispositions du nouvel article 2224 du Code civil.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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