L’article L8221-5-2° du code du travail interdit la dissimulation d'emploi par absence ou irrégularité du bulletin de paie en ce qu’il dispose que :
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur … de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ».
Les sanctions du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
- l'existence d'un élément ou d’une condition matériel : l’absence ou l’irrégularité du bulletin de paie ;
- l'existence d'un élément ou d’une condition moral ou intentionnel.
1 – La condition matérielle du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié : l’absence ou l’irrégularité du bulletin de paie
L'employeur a l'obligation de remettre à son salarié un bulletin de paie, sachant que cette remise peut être effectuée, avec l'accord du salarié concerné, sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir l'intégrité des données.
Le bulletin de paie ne peut indiquer un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, à moins que la mention ne résulte d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail tel un accord de modulation.
Ainsi, l’absence de remise du bulletin de paie ou son irrégularité quant aux heures de travail effectuées est, si elle est intentionnelle, une dissimulation (partielle ou non) d'emploi salarié répréhensible.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié, en application de l'article L. 3171-4 du Code du travail.
Concrètement, l'employeur doit tenir un décompte du temps de travail des salariés.
L'absence de ce décompte peut être un indice permettant de caractériser l'élément moral du délit de travail dissimulé.
2 - L'existence d'un élément ou d’une condition moral ou intentionnel
L'article 121-3 alinéa 1er du Code pénal dispose que :
« Il n'y a point de délit ou de crime sans intention de le commettre ».
Le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié doit être intentionnel.
Ainsi, la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
La chambre criminelle de la cour de cassation a jugé que la violation en connaissance de cause de prescriptions légales, tel le défaut de mention sur le bulletin de paie du nombre d'heures de travail réellement accompli, implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3 du Code pénal (Cass. Crim., 9 novembre 2010).
Peu importe que l'employeur n'ait pas cherché à échapper à ses obligations sociales ni à léser le salarié en lui versant une rémunération mensuelle supérieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance (Cass. Crim., 11 décembre 2001, n° 01-81775).
Pour la chambre sociale de la cour de cassation « la dissimulation d'emploi salarié constituée (...) par la remise d'un bulletin de salaire ne mentionnant pas toutes les heures de travail effectuées implique nécessairement le caractère intentionnel de cette dissimulation » (Cass. Soc., 21 mai 2002).
Les juges admettront ou écarteront la volonté frauduleuse à partir de trois indices : la durée et l'importance de l'omission, l'absence de décompte des horaires et le non paiement des heures supplémentaires.
Ainsi, le délit est constitué dès lors que :
- l'omission se répète mois après mois (CA Nancy, 5 juin 2000, CA Montpellier, 3 septembre 2002).
- le nombre d'heures, objet du défaut de mention, est important (CA Montpellier, 4 décembre 2002),
- l'employeur savait que la salariée effectuait des heures supplémentaires et s'était contenté d'en prendre acte sans rien faire pour y mettre un terme (Cass. soc., 14 décembre 2006, n° 04-48011).
- l'employeur refuse d'inscrire le nombre d'heures réellement effectuées en dépit d'une mise en demeure de l'inspection du travail (Cass. crim., 4 septembre 2001, n° 01-80094).
- l'employeur a usé de manœuvres aboutissant à la rémunération des heures non déclarées (CA Montpellier, 26 juin 2002 ; Cass. Crim., 22 février 2000).
Un certain nombre d'arguments de défense peuvent cependant être avancés par l'employeur afin de démontrer le défaut d'intention délictueuse.
Tel est le cas lorsque le défaut de décompte des horaires, ou son inexactitude, résulte de :
- une faute, légèreté blâmable du salarié ou carences d'un chauffeur de poids-lourd, relevées par la cour d'appel, "rendant difficile le calcul du temps effectif" (CA Douai, 29 juin 2001)
- l’impossibilité pour l'employeur d'évaluer les horaires effectués sans recours à un expert (CA Dijon, 6 mars 2001).
- l’indépendance du salarié dans la gestion de son temps.
De plus, l'employeur peut tenter d'échapper à sa responsabilité en invoquant l'existence d'une délégation de pouvoirs, laquelle pourra être transmise par exemple à un directeur salarié en charge du respect de la règlementation du travail et de la gestion des ressources humaines.
En cas d'infraction dûment constatée, la responsabilité incombera au délégataire.
La preuve de la délégation de pouvoir peut rester néanmoins difficile à apporter car la présence d'un écrit ne suffit pas à démontrer l'existence de la délégation.
Il sera nécessaire, le cas échéant, d’établir la compétence, l'autorité et les moyens du délégataire.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com