En l'espèce, M. X, salarié de la société Oya, a été nommé cogérant, non associé, de cette dernière par les associés réunis en assemblée.
Par la suite, les associés de la société Oya ont découvert que M. X prospectait la clientèle de leur société, sous couvert d'une société concurrente (MTI) et en violation de la clause de non-concurrence qu’il avait acceptée lors de sa nomination en qualité de gérant.
Les associés de la société Oya ont donc révoqué Monsieur X de ses fonctions de gérant et la société Oya l’a assigné en justice, ainsi que la société MTI, afin d'obtenir l'indemnisation de la perte de chiffre d’affaires subie et de la perte de marge brut en résultant.
Reconventionnellement, le gérant a formé une demande en paiement de la rémunération de ses fonctions de gérant et d’une autre somme à titre de dommages-intérêts, pour révocation abusive et sans juste motif de son mandat social.
Cependant, les juges d'appel ont rejeté sa demande tendant à la fixation d’une créance d’indemnité au titre de la révocation de son mandat de gérant.
En effet, l'article L. 223-25 alinéas 1 et 2 du Code de commerce dispose que :
" Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.
En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ".
Les juges d'appel ont constaté la validité de la décision de révocation du gérant compte tenu qu'il a été mis à même de présenter ses observations préalablement à sa révocation :
- Il a été convoqué par lettre recommandée à l’assemblée des associés de la société, dont l’ordre du jour comportait la révocation de ses fonctions de gérant ;
- Il a reçu, en annexe, le rapport de la gérance aux termes duquel il lui était reproché son opposition systématique dans la gestion de l’entreprise.
Le principe du contradictoire ayant été respecté la procédure de révocation du gérant ne pouvait donc pas donner lieu à une indemnité.
Toutefois, pour deux raisons, la cour de cassation à cassé et annulé l'arrêt d'appel en ce qu’il avait condamné le gérant et la société MTI, in solidum, à payer des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
1er motif de cassation :
Une clause statutaire de non-concurrence n’est opposable au gérant non associé de la société que pour autant qu’il l’a expressément acceptée.
Or, la cour d'appel a jugé que M. X avait expressément accepté la clause statutaire de non-concurrence, sur la base :
- du procès-verbal de l’assemblée générale le désignant en qualité de gérant et revêtu de sa signature précédée de la mention manuscrite « bon pour acceptation des fonctions de gérant ».
- de la résolution de nomination de M. X qui dispose qu’il est tenu de consacrer tout le temps et les soins nécessaires aux affaires sociales et qu’il exercera ses fonctions dans les conditions fixées par la loi et les statuts.
Selon les juges de cassation, il n'est pas possible de tirer du procès-verbal d'une assemblée générale ayant désigné le gérant et revêtu de sa signature que ce dernier a expressément accepté la clause des statuts prévoyant que tout gérant s’interdit de faire directement ou indirectement concurrence à la société pendant ou après l’accomplissement de son mandat :
« Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ... en statuant ainsi, alors que dans le document en cause M. X... a écrit “bon pour acceptation des fonctions de gérant”, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l’obligation susvisée ».
Ainsi, l’acceptation d'une clause statutaire notamment de non-concurrence ne peut se faire par voie de résolution d'assemblée générale.
Le gérant peut donc obtenir une indemnité au titre de sa révocation abusive.
2ème motif de cassation :
Les juges d'appel ont cru pouvoir condamné la société MTI, in solidum avec le gérant, à payer de dommages-intérêts « sans caractériser aucune faute à l’encontre de la société MTI ».
Or, la mise en jeu de la responsabilité civile suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le préjudice subi et la faute commise.
L'affaire a donc été renvoyée devant les juges d'appel pour leur permettre de caractériser la faute susceptible d'ouvrir droit à indemnisation, la cour de cassation ne jugeant que le droit et non les faits.
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Anthony Bem
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