Le happy slapping est le fait qui consiste à filmer de son téléphone une scène de violence subie par une personne dans le but de diffuser la vidéo-agression sur internet et les réseaux sociaux.
Ainsi, le happy slapping nécessite deux auteurs, à savoir celui qui commet l’acte de violence à l’encontre d’une personne et celui qui filme l’acte en train de se commettre.
Ces scènes filmées peuvent concerner les violences physiques ou des agressions sexuelles et aggraver les préjudices subis par une atteinte importante à la réputation.
Outre le fait d’être victime de ces violences, la personne filmée est alors doublement victime du fait de la diffusion d’images dégradantes sur internet.
Avant la loi du 5 mars 2007, l’auteur de l’enregistrement des violences pouvait être poursuivi sur les fondements de :
- la non-assistance à personne en danger (article 223-6 du Code pénal) ;
- l’atteinte à l’intimité de la vie privée (article 226-1 du Code pénal).
C’est notamment sur ces fondements que le Tribunal correctionnel de Versailles a condamné un adolescent, le 27 juin 2007, pour avoir filmé avec son téléphone portable l’agression d’un professeur.
Suite à cette affaire, la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a créé une infraction spécifique et dédiée au « happy slapping » ou vidéo lynchage.
Ainsi, les fautes susceptibles d’être commises et sanctionnées selon l’article 222-33-3 du Code pénal sont :
- soit « le fait d’enregistrer » une vidéo agression ;
- soit « le fait de diffuser l’enregistrement ».
Si l’auteur d’une vidéo-agression peut être sanctionné sur le fondement de ce texte, la diffusion de ces vidéos sur des sites internet peut donc aussi être une source de responsabilité à part entière (1), de sorte que se pose la question de savoir dans quelle mesure les hébergeurs des sites diffuseurs sont aussi responsables (2).
1) Les sanctions de l’enregistrement et de la diffusion d’une vidéo-agression
La loi opère une distinction entre l’enregistrement et la diffusion d’une vidéo-agression afin de sanctionner séparément le fait d’enregistrer la vidéo (a) et le fait de diffuser celle-ci sur internet (b).
a. L’enregistrement d’une vidéo-agression sanctionné pénalement
Le happy slapping est sanctionné comme un « acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne ».
Dès lors, le happy slapping est autant répréhensible que le fait de commettre les violences elles-mêmes.
Ainsi, le Code pénal punit l’auteur de l’enregistrement d’une vidéo-agression comme s’il avait été l’auteur de l'infraction principale.
En effet, le cas échéant, l’auteur de l’enregistrement peut être puni des peines suivantes :
- quinze ans de réclusion criminelle, si l’agression concerne « le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie » (article 222-1 du Code pénal) ;
- quinze ans de réclusion criminelle, si l’agression est un viol c’est-à-dire un « acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-23 du Code pénal) ;
- deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende, si l’agression est qualifiée de harcèlement sexuel (article 222-33 du Code pénal).
La sanction du happy slapping peut donc être extrêmement lourde pour celui qui ne se contente que filmer les actes de violences.
b. La diffusion d’une vidéo-agression sanctionné pénalement
La diffusion d’une vidéo-agression, notamment sur les réseaux sociaux peut gravement porter atteinte à la dignité de la victime.
Ainsi, le Code pénal sanctionne en tant que tel « le fait de diffuser l’enregistrement de telles images » de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.
Bien que ces sanctions soient dissuasives, les cas de happy slapping se sont multipliés depuis 2007, notamment ceux concernant des agressions entre adolescents dans les établissements scolaires.
A titre d’exemple, en octobre 2014, une enquête a été ouverte suite à une agression entre deux collégiens de Bram (11150) filmée par un tiers témoin de la scène puis aussitôt diffusée sur internet.
Une plainte a ainsi été déposée « pour violences exercées dans un établissement d'enseignement, et diffusion d'images portant atteinte à l'intégrité des personnes ».
L’enquête permettra de déterminer celui qui a filmé l’agression et celui qui a diffusé ses images sur internet.
En effet, il est important de relever que la diffusion d’une vidéo-agression ne concerne pas seulement l’auteur de celle-ci mais tout tiers susceptible de la transmettre.
Par ailleurs, outre la sanction de celui qui diffuse la vidéo sur internet, se pose la question de la responsabilité de l’hébergeur du site diffuseur d’un tel contenu.
2) La responsabilité de l’hébergeur du site diffuseur d’une vidéo-agression
Pour mémoire, selon l’article 6-I de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite LCEN), l’hébergeur de contenu sur internet est une personne physique ou morale qui assure le stockage de tout contenu, y compris d’images, de sons et de vidéos, pour leur mise à disposition des internautes.
Concrètement, il s’agit des sites internet tels que les plateformes de blogs, forums de discussion, réseaux sociaux ou sites sur lesquels sont publiés des commentaires ou des avis de la part des internautes qui ne sont pas auteurs des contenus mis en ligne par des tiers.
Or, selon la LCEN, les sites internet hébergeurs de contenus en ligne ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des contenus stockés.
Toutefois, l'hébergeur de contenu est responsable de ceux stockés dans deux cas :
- lorsqu’il avait connaissance « de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère » ;
- si, dès le moment où il en a eu connaissance, il n’a pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».
Or, l’hébergeur de contenu est présumé avoir eu connaissance du caractère illicite du contenu diffusé lorsqu’une personne lui notifie ce contenu selon les modalités légales de notification prévues à l’article 6-I-5 de la LCEN.
En pratique, cette notification de suppression de contenus illicites se fait par voie d’avocat spécialisé en droit de l’internet et de l’E-réputation.
Par conséquent, lorsque la victime d’un happy slapping aura envoyé une notification de retrait des contenus illicites à l’hébergeur, celui-ci devra agir rapidement pour supprimer la vidéo litigieuse de son site internet.
A défaut, le site internet engagera sa responsabilité civile aux fins d’indemnisation de la victime des préjudices subis du fait de la diffusion de la vidéo préjudiciable et pourrait éventuellement mettre aussi en jeu sa responsabilité pénale en tant que complice de la diffusion illégale dans le cadre de l’action correctionnelle initiée contre l’auteur de la vidéo.
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Anthony Bem
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