Le gérant d’une société qui se porte avaliste d’un billet à ordre auprès d’une banque peut-il être poursuivi personnellement en paiement par cette dernière ?
Le billet à ordre est le moyen d’obtenir un prêt auprès d’une banque.
Le billet à ordre est juridiquement défini comme la promesse écrite d’un dirigeant d’entreprise de payer, à un date fixée, une somme d’argent à une banque ou une personne.
En pratique, le billet à ordre est un moyen de paiement spécifique aux entreprises.
Concrètement, lorsqu’une société a besoin de liquidités de manière temporaire ; elle peut être amenée à souscrire billet à ordre auprès d’une banque.
La société souscriptrice du billet à ordre est alors appelée « tireur ».
Aux termes du billet à ordre elle prend l’engagement de payer à un bénéficiaire (un établissement bancaire) une somme convenue à l’avance, en remboursement des liquidités prêtées en amont.
Le bénéficiaire du billet à ordre est appelé aussi « tiré ».
Le billet à ordre fait donc parti des effets de commerce qui permettent aux entreprises de bénéficier rapidement de liquidités pour pouvoir exercer leurs activités.
Or, les billets à ordre donnent souvent lieu à la prise de garanties.
La garantie est alors donnée par un « donneur d’aval » ou « avaliste », qui peut être toute personne ayant un intérêt ou non à garantir le paiement.
Toutefois, le donneur d’aval est juridiquement considéré comme valablement engagé si sa signature est apposée au recto du billet à ordre et accompagnée de la mention « bon pour aval ».
Le cas échéant, le donneur d’aval est obligé au paiement dans les mêmes conditions que celui dont il s’est porté garant.
La signature d’un billet à ordre et en tant que donneur d’aval peut donc entrainer des risques de poursuite à l’encontre de leur auteur.
En effet, la banque bénéficiaire du billet à ordre pourra poursuivre en paiement l’avaliste en lieu et place du souscripteur du billet à ordre si celui-ci manque à son obligation remboursement.
Aussi les gérants d’entreprises ou les dirigeants de sociétés peuvent se retrouver personnellement engagés par erreur.
Tel sera le cas de celui qui appose sa signature à côté du cachet de la société souscriptrice du billet à ordre.
Toutefois, il convient de garder en mémoire que l’article L.511-21 du Code de commerce dispose que « l’avaliste n’est pas engagé si la signature est celle du tiré ou du tireur ».
Ainsi, sur le fondement de cet article, le 23 octobre 2024, la Cour de cassation a jugé que le gérant qui a signé un billet à ordre deux fois, en qualité de souscripteur et d’aval, n’est pas nécessairement engagé personnellement. (Cour de cassation, chambre commerciale, 23 oct. 2024, n° 22-22.215).
En l’espèce, la banque Crédit agricole a consenti un billet à ordre à une société pour un montant total de 80.000 €.
Conformément aux exigences de forme, le cachet de la société souscriptrice avait bien été apposé sur le billet à ordre, mais la signature du gérant y était également apposée une fois en qualité de souscripteur et une autre fois en qualité d’avaliste.
A la suite de la liquidation de la société, la banque Crédit agricole a cru devoir assigner le gérant pour obtenir le paiement du billet à ordre, en tant que donneur d’aval.
Toutefois, l’ancien gérant s’est utilement défendu en invoquant le fait que la mention « bon pour aval » était écrite de sa main par-dessus le cachet de la société mentionnant sa qualité de gérant.
Dans ce contexte, la Cour de cassation a rappelé le principe légal selon lequel « l'aval résulte de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto du billet à ordre, sauf quand il s'agit de la signature du souscripteur de ce billet ».
Il découle de cet arrêt que la signature par un gérant de société apposée sur le cachet de la société souscriptrice d’un billet à ordre ne permet pas de considérer que le gérant s’est engagé à titre personnel en qualité d’avaliste.
Cet arrêt est donc extrêmement important en pratique pour tous les gérants de sociétés ou dirigeants d’entreprises puisqu’il leur permet d’invoquer efficacement la nullité de leur engagement personnel en tant que donneur d’aval d’un billet à ordre.
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Anthony Bem
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