LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE INSEREE DANS UN CONTRAT DE TRAVAIL

Publié le Modifié le 01/02/2019 Vu 53 522 fois 0
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En droit du travail, la clause de non-concurrence est une stipulation par laquelle un salarié se voit interdire, après la rupture du contrat de travail, pendant une certaine durée et dans un certain espace géographique, de concurrencer son ancien employeur. Cette clause porte donc atteinte à la liberté du salarié de retrouver un emploi à l'expiration de son contrat de travail et qui donc de ce fait est générateur d’un important contentieux. Cependant, malgré la présence de nombreux articles présents sur la toile sur ce sujet certains sont anciens et d’autres, d’ailleurs trop nombreux, sont incomplets de sorte que finalement un petit rappel s’impose. Pour mémoire, la clause illicite doit être annulée. Elle peut également être réduite, le juge disposant ici d'un pouvoir de réfaction important. Or, le respect d'une clause illicite par le salarié lui cause un préjudice automatique qui ouvre droit à réparation tandis que le non respect d’une telle clause par le salarié peut être générateur de préjudices pour l’employeur.

En droit du travail, la clause de non-concurrence est une stipulation par laquelle un salarié se voit interdi

LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE INSEREE DANS UN CONTRAT DE TRAVAIL

 

I – Définition de la clause de non-concurrence

Le principe de la liberté du travail et de la liberté d'entreprendre a été affirmé par l'article 17 de la loi des 2 et 17 mars 1791, dite décret d'Allarde :

“il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon”.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé le 16 décembre 1992 en applicattion de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 que le droit au respect de la vie privée dont dispose toute personne englobe le droit de nouer et développer ses relations avec ses semblables et il n'y a aucune raison de principe d'en exclure les activités professionnelles.

La Cour de cassation, au visa de ce même article, a rappelé qu'une restriction à ce droit par un employeur “n'est valable qu'à la condition d'être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, au but recherché” (Cass. soc., 12 janv. 1999).

Ces principes ont été repris dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (Nice, déc. 2000) :

  • Liberté professionnelle et droit de travailler : “1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée...” (art. 15),
  • Liberté d'entreprendre : “la liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales” (art. 16).

Ainsi, en principe, tout salarié a la liberté pleine et entière d'exercer, de façon subordonnée ou indépendante, l'activité de son choix, choix qui peut le conduire à concurrencer en toute loyauté son ancien employeur.

Aussi, ce dernier peut-il être intéressé à voir subsister au-delà de la relation de travail, une obligation de non-concurrence.

Tel est l'objet de la clause de non-concurrence qui, partie intégrante d'un contrat de travail, ne prendra effet que lorsque la prestation de travail ne sera plus assurée.

En l'absence de toute clause, le salarié est libre. Il en va de même lorsque la clause a cessé de produire ses effets.

Le seul texte qui peut se rapporter à la réglementation de la clause de non-concurrence est l'article L. 1121-1 du Code du travail qui dispose que :

“nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché”.

Par conséquent, et a contrario, si la nature de la tâche le justifie et si le principe de proportionnalité est respecté, une restriction peut être valablement apportée.

La possibilité est donc offerte à un employeur de limiter la liberté du travail, mais encore faut-il qu'elle ne soit pas interdite par un texte légal ou une disposition conventionnelle.

 

II – Conditions de validité de la clause de non-concurrence

Il existe pour certaines professions une prohibition pure et simple de stipuler une interdiction de concurrence. La convention collective ou l'accord collectif de travail peut prévoir une interdiction de concurrence. Cette clause est directement applicable au salarié, même si elle n'est pas reprise expressément par son contrat de travail (depuis Cass. soc., 9 juill. 1976).

Cependant, en cas de contentieux, l'employeur devra rapporte la preuve que le salarié a été mis en mesure de prendre connaissance de la convention collective applicable, comprenant l'interdiction de concurrence (Cass. soc., 25 mars 1998).

De façon générale, la clause du contrat de travail qui impose une obligation de non-concurrence plus contraignante pour le salarié que celle admise par la convention collective applicable n'est valable que dans les limites fixées par celle-ci (Cass. soc., 22 oct. 2008).

La jurisprudence juge que :

“une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives”.

Si l'on combine ces conditions avec l'article L. 1121-1 du Code du travail qui prévoit que les restrictions apportées à la liberté du travail doivent respecter un critère de proportionnalité, et avec le principe de la liberté du travail qui demeure une liberté fondamentale, on peut dire que la clause de non-concurrence, pour être valable, doit réunir les conditions suivantes :

  • laisser au salarié la possibilité de travailler ;
  • être limitée dans le temps et dans l'espace ;
  • protéger les intérêts légitimes de l'entreprise ;
  • respecter un critère de proportionnalité ;
  • prévoir une contrepartie pécuniaire au profit du salarié.

Maintien d'une possibilité de travailler

Une jurisprudence constante décide que : “pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre” (Cass. soc., 18 oct. 1952) et ne doit pas porter “gravement atteinte à la liberté du travail” (Cass. soc., 4 mars 1970).

Limitation dans le temps et dans l'espace

En ce domaine, les juges apprécient souverainement si l'étendue du champ géographique et temporel de lq clause est ou non de nature à empêcher le salarié d'exercer son activité.

C'est donc au cas par cas...

Protection des intérêts légitimes de l'entreprise

Pour apprécier la validité de la clause, il y a lieu de tenir compte des caractéristiques de l'emploi du salarié. L'insertion d'une clause de non-concurrence dans un contrat de travail ne sera valable que si elle est indispensable à la défense des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle ne porte pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.

C'est à l'employeur d'établir que l'entreprise est susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente.

Proportionnalité de la clause au regard des droits du salarié

Cette exigence vient de l'article L. 1121-1 du Code du travail qui impose une proportionnalité pour toutes les limitations apportées au principe de la liberté du travail.

Contrepartie financière

La cour de cassation impose à tous les contrats une contrepartie financière (Cass. soc., 10 juill. 2003).

Le versement de l'indemnité compensatrice ne peut être assorti d'aucune condition.

Toute condition tenant aux circonstances de la rupture est inopérante.

De plus, le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite en l'absence de contrepartie financière, peut prétendre à des dommages et intérêts (Cass. soc., 18 mars 2003).

La contrepartie financière est donc obligatoire pour la validité de la clause elle-même. Sont ainsi annulées toutes les clauses qui ne prévoient pas une telle indemnité.

Par un arrêt très important du 7 mars 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation a posé deux principes :

  • le montant de la contrepartie est indépendant de la durée du contrat ;
  • le paiement de la contrepartie ne peut intervenir pendant la durée d'exécution du contrat, mais seulement après.

En l'état actuel de la jurisprudence, aucun montant minimum n'a été déterminé pour que la contrepartie soit valable. Les parties sont donc libres d'en déterminer le montant.

Cependant, la chambre sociale a précisé qu'une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie (Cass. soc., 15 nov. 2006).

Le juge aura tendance à annuler intégralement la clause si l'intérêt légitime n'existe pas, ou si la contrepartie financière n'est pas prévue et à restreindre l'application excessive en limitant l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités.

Vous l'aurez compris, la clause de non concurrence emporte des effets financiers importants pour l'employeur comme pour le salarié, qui sont en tant que tels sources de nombreux contentieux, et dont les décisions sont souvent rendues en faveur des salariés.

Je suis à votre disposition pour toute information ou défense en justice.

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Anthony Bem
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