En principe, la signification par un huissier de justice d’un acte tel qu’un jugement ou un arrêt doit être faite à personne.
La signification à une société, une association ou une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Selon la jurisprudence, la signification d’un titre exécutoire à une personne morale doit être faite à une personne habilitée à recevoir l’acte tel que le représentant légal, un dirigeant, ou un salarié.
Cependant, la qualité de personne habilitée ne peut pas résulter d’une simple affirmation de la part de la personne rencontrée.
En effet, lorsque l’huissier de justice se rend dans les locaux d’une entreprise, il rencontre toujours une personne physique.
Si la personne à laquelle était remis l’acte ne déniait pas expressément son habilitation à recevoir l’acte, l’huissier de justice n’avait pas à rechercher si celle-ci était effectivement habilitée par les instances dirigeantes de la société.
Si la personne physique rencontrée ne se déclare pas expressément ne pas être « habilitée », l’huissier de justice n’a pas à contrôler son habilitation.
En pratique, la mention « personne habilitée ainsi déclarée » était utilisée par les huissiers dans leur procès-verbal de signification.
L’huissier de justice n’avait pas à vérifier l’exactitude des propos d’une personne qui se déclarait habilité.
Ainsi la formule « habilitée à cet effet » figurant dans le pré-imprimé de l’acte de signification n’entachait pas sa régularité dès lors qu’elle correspondait aux déclarations de l’intéressée
Dès lors que la personne rencontrée par l’huissier se déclarait habilitée à recevoir l’acte, il était alors bien fondé à la lui délivrer.
A cet égard, la cour de cassation a jugé que l’huissier de justice n’avait pas à se muer en enquêteur (Cour de Cassation, deuxième chambre civile, 18 janvier 2001, no 99-15814).
Néanmoins, la situation n’est pas la même lorsque l’huissier de justice rencontre une personne physique ne lui idiquant pas clairement et expressément son habilitation à recevoir l’acte.
Le 6 octobre 2011 la Cour de cassation a jugé que :
« la signification faite à une personne morale est réputée faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet ; d'où il suit que l'acte de signification ne peut être délivré à un salarié de la personne morale sans que l'huissier instrumentaire ait à vérifier ses pouvoirs que si ce destinataire de l'acte lui « a déclaré être habilité à recevoir l'acte » et que le procès-verbal de signification mentionne cette déclaration ; qu'à l'appui de sa décision, la Cour d'Appel a énoncé que l'huissier de justice n'a pas à vérifier la qualité de la personne à laquelle est remise l'acte et pouvait déduire cette qualité des circonstances de la cause en mentionnant dans l'acte que le destinataire « a déclaré être habilité à recevoir l'acte » ; qu'en déclarant valable l'exploit de signification litigieux, tout en constatant que le destinataire de l'acte, Monsieur A... n'avait pas expressément déclaré au clerc de l'huissier de justice être habilité à recevoir l'acte, la Cour d'Appel a violé l'article 654 du Code de procédure civile. » (Cour de cassation, 1er Chambre civile, 6 octobre 2011, 10-23.520)
Il en résulte que lorsque le destinataire de l'acte ne déclare pas expressément à l'huissier de justice être habilité à recevoir l'acte, la signification de l’huissier de justice n’est pas valable.
Il en résulte en pratique que la signification ne peut pas être réputée valablement faite à personne lorsqu’elle est délivrée à n’importe quel salarié de la société.
L’acte d’huissier pourra donc être annulé le cas échéant.
La même solution s’applique lorsqu’il existe un doute sur concernant l’employeur du salarié trouvé dans les locaux de l’entreprise.
A cet égard, le 7 janvier 2016, la cour de cassation a jugé que :
« en retenant, pour estimer régulière la signification intervenue, que l'huissier avait remis copie de l'ordonnance et de la requête " à Mme Stéphanie ..., assistante de direction, " représentant tant la société Adélie informatique conseil que la société Adélie Institute Consulting et ce par deux actes de signification séparée ", sans qu'il ressorte de sa décision que l'huissier se serait assuré que les fonctions occupées selon ses dires par son interlocutrice l'étaient au sein de la société Adélie Institute Consulting, alors que la société exposante apportait la preuve que Mme ... était salariée de la seule société Adélieinformatique conseil, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision » (Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 7 janvier 2016, n° 14-25781).
Il en découle concrètement que l'huissier de justice doit s’assurer des fonctions occupées dans la société concernée par la notification.
La signification ne peut pas être valablement faite à personne lorsqu’elle est délivrée à un salarié étranger à la société concernée par la notification.
Ces décisions sont importantes en ce qu’elles permettent de remettre en cause notamment l’exécution de titres exécutoires, d’arrêts ou de jugements, les saisies bancaires, immobilières, etc ...
La remise en cause de la signification de l'huissier permet aussi d’invoquer dans certains cas le dépassement du délai de prescription de l’exécution des décisions de justice et d’empêcher le cas échéant toutes les actions en recouvrement de créances ou mesures de saisies pratiquées.
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Anthony Bem
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