Les conflits d'intérêts de l'avocat, entre faute déontologique et manquement professionnel

Publié le Modifié le 19/11/2012 Vu 63 552 fois 0
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La profession d’avocat est gouvernée par des obligations déontologiques fortes où le secret professionnel ainsi que les règles relatives à la dignité, l'indépendance et la délicatesse ont une place prépondérante dans son exercice au quotidien.

La profession d’avocat est gouvernée par des obligations déontologiques fortes où le secret professionnel

Les conflits d'intérêts de l'avocat, entre faute déontologique et manquement professionnel

Le législateur a confié le soin au Conseil national des barreaux d’unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat.

Le Conseil national des barreaux a adopté par décision à caractère normatif n° 2005-003 le nouveau Règlement Intérieur National de la profession (RIN).

Ce texte constitue le socle de la déontologie commune des avocats en France.

L’article 4 du RIN est exclusivement consacré au conflit d’intérêts.

Il prévoit que l’avocat ne peut être le conseil, le défenseur ou le représentant de plusieurs parties dans une même affaire s’il y a conflit entre leurs intérêts ou, sauf accord des parties, s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit.

Il y a conflit d’intérêts :

- dans la fonction de conseil, lorsque, au jour de sa saisine, l’avocat qui a l’obligation de donner une information complète, loyale et sans réserve à ses clients ne peut mener sa mission sans compromettre, soit par l’analyse de la situation présentée, soit par l’utilisation des moyens juridiques préconisés, soit par la concrétisation du résultat recherché, les intérêts d’une ou plusieurs parties ;

- dans la fonction de représentation et de défense, lorsque, au jour de sa saisine, l’assistance de plusieurs parties conduirait l’avocat à présenter une défense différente, notamment dans son développement, son argumentation et sa finalité, de celle qu’il aurait choisie si lui avaient été confiés les intérêts d’une seule partie ; 

- lorsqu’une modification ou une évolution de la situation qui lui a été initialement soumise révèle à l’avocat une des difficultés visées ci-dessus.

Il existe un risque sérieux de conflits d’intérêts, lorsqu’une modification ou une évolution prévisible de la situation qui lui a été initialement soumise fait craindre à l’avocat une des difficultés visées ci-dessus.

Il n’y a pas conflit d’intérêts :

- lorsqu’après avoir informé ses clients et recueilli leur accord, l’avocat dans ses différentes fonctions cherche à concilier leur contrariété d’intérêts. Dans un tel cas, l’avocat ne peut être le conseil ou le défenseur d’une des parties dans la même affaire en cas d’échec de la conciliation ;

- lorsqu’en plein accord avec ses clients, l’avocat leur conseille, à partir de la situation qui lui est soumise, une stratégie commune, ou si, dans le cadre d’une négociation, des avocats, membres d’une même structure interviennent séparément pour des clients différents, informés de cette commune appartenance.

En tout état de cause, l’avocat doit, sauf accord des parties, s’abstenir de s’occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d’intérêt, lorsque le secret professionnel risque d’être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

Il ne peut accepter l’affaire d’un nouveau client si le secret des informations données par un ancien client risque d’être violé, ou lorsque sa connaissance des affaires de ce dernier est susceptible de favoriser le nouveau client de façon injustifiée.

Lorsqu’il existe un risque sérieux de conflit d’intérêts, l’avocat doit obtenir l’accord de l’ensemble des parties concernées avant d’accorder son concours à plus d’une partie.

Si l’avocat sollicité successivement par plusieurs parties dans une même affaire n’accorde pas à toutes son concours, il ne peut conserver la défense des intérêts d’une ou plusieurs d’entre elles qu’en respectant les règles ci-dessus énoncées.

L’avocat peut continuer à s’occuper des autres dossiers des clients concernés sans avoir à solliciter leur accord, lorsque son maintien dans ces dossiers, étrangers au conflit d’intérêts survenu dans l’affaire en cause, n’entrave pas son indépendance et n’affecte pas le respect du secret professionnel.

S’agissant des structures professionnelles, lorsque des avocats exercent en groupe les dispositions relatives aux conflits d’intérêts sont applicables au groupe dans son ensemble et à tous ses membres.

Elles s’appliquent également aux avocats exerçant leur profession dans une structure de mise en commun de moyens à partir du moment où, à l’intérieur de cette structure, il existe un risque de violation du secret professionnel.

Il ressort de ce qui précède que l’avocat est obligé de refuser son concours quand celui-ci susciterait un conflit d’intérêt entre plusieurs de ses clients.

A défaut, le non respect de cette obligation déontologique peut être constitutif d’une faute génératrice d’un préjudice réparable.

En l’espèce, les époux Y, qui reprochaient à leur avocat diverses fautes dans la défense de leurs intérêts ont recherché sa responsabilité, lui ont réclamé le paiement de dommages-intérêts.

Les juges d’appel ont partiellement fait droit à leur demande, en relevant à l'encontre de l'avocat des manquements constitutifs d'une « faute dans la gestion des intérêts de ses clients » et « une défaillance dans les rapports de confiance que l'avocat doit à son client ».

Selon la cour de cassation « l'article 155 du décret du 27 novembre 1991, qui interdit à des avocats, membres d'une même société civile professionnelle de représenter dans une affaire deux parties en conflit d'intérêts, s'impose aussi bien à l'avocat du demandeur qu'à celui du défendeur ».

Le conflit d’intérêts concerne donc les avocats associés ou membres d'une même société, les avocats et leurs collaborateurs et tous ceux qui partagent leur clientèle, à quelque titre que ce soit.

Enfin, dans certaines dossiers, malgré l'existence d'un conflit d'intérêts, les avocats ne sollicitent pas que l'avocat en conflit soit "déporté" de  l'affaire.

Les conséquences de l'absence de déportation peuvent être préjudiciables pour le client.

Le cas échéant, la faute déontologique se double d'une faute professionnelle que les juges peuvent sanctionner et indemniser, le cas échéant, en condamnant l'avocat en conflit à verser à son client des dommages et intérêts.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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