En l'espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave.
Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes indemnitaires.
En effet, en droit du travail, la faute grave est un manquement aux obligations contractuelles du salarié d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.
L’employeur qui allègue une faute grave doit en rapporter la preuve.
Selon l’employeur, il a demandé à la salariée de justifier son absence par courrier puis l'a licenciée en respectant la procédure légale.
Mais cette version des faits était réfutée par la salariée qui soutenait qu’à l’issue de l’arrêt de travail, le gérant de la société lui avait demandé de ne plus revenir travailler.
A l’appui de cette allégation, la salariée a produit aux débats un courriel signé du gérant et portant l’adresse électronique de la société.
Ce document est rédigé en ces termes :
« Salut grosse vache Alors t’es contente que Marjorie t’ai appelé ?
En tous cas sache que ca ne changera rien du tout ! ! ! ! j’attends toujours ta lettre de démission car après mon comportement tu dois bien comprendre que je ne veux plus voir ta gueule et qu’il est hors de question que je débourse un centime pour ton licenciement ! ! ! ! ! Et pas la peine que tu me casses les couilles avec tes conneries de prud’homme parce que moi j’ai un avocat et je t’enfoncerai encore plus que je l’ai déjà fais et crois moi c’est possible “ Alors ? ? ? toujours pas les boules d’avoir quitté sofinco et ton petit cdi tranquille!
je tiens quand même à te remercier grâce à toi j’ai pu monter ma boîte à moindre frais et qui aurait cru que tu serais assez naïve pour me suivre après que je t’ai recrutée pour Epargne sans frontière alors que je savais depuis des mois qu’on allait déposé lé bilan ! !
Pauvre conne ! tu croyais vraiment que je t’avais recruté pour tes compétences ?
Alors je te préviens envoie moi ta lettre et plus vite que ça, tu vas enfin bouger ton gros cul pour quelque chose ! ! ! ! ! Et t’avises pas d’essayer de me la faire à l’envers avec la Marjorie sinon tu vas voir ce que c’est du harcèlement, je vais te montrer ce que c’est moi une dépression grosse vache ! ! ! ! Alors ? ? ? ? ? ? tu regrettes toujours pas ? ? ? ? il aurait peut être été plus simple de coucher finalement ! ! ! l maintenant t’a plus rien, plus de boulot, plus d’argent et toujours pas de mec tu peux la faire ta dépression ! ! ! ! Juste pour info change de secteur je t’ai grillé chez toutes les banques tu feras plus rien dans ce métier.
A bon entendeur salut ! ! ! ! ! ! !
PS : tes heures sup tu peux te les foutre au cul.
Alban “ ».
Devant les juges, l’employeur prétendait qu’il n’est pas l’expéditeur du courriel compte tenu de son caractère outrancier.
Les juges d'appel ont donné raison au salarié estimant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Le problème juridique soumis à la cour de cassation était de savoir si lorsqu'une partie conteste l’authenticité d’un courrier électronique, il appartenait ou non au juge de vérifier que les conditions posées par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil, relatives à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, étaient ou non satisfaites.
En effet, alors que selon le salarié son employeur était l’auteur et l’expéditeur d'un email, ce dernier en contestait l’authenticité.
Les juges d'appel n'ont pas estimé nécessaire de vérifier si ledit courriel :
- avait été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ;
- s’il comportait une signature électronique résultant de l’usage d’un procédé fiable d’identification.
La cour de cassation a validé la position des juges d'appel en considérant que :
« les dispositions invoquées par le moyen ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond ».
La preuve par email peut donc s'affranchir de toutes les questions relatives à l'authenticité, l'établissement et la conservation posées par le code civil en matière de preuve numérique lorsqu'il s'agit de rapporter la preuve d'un fait.
Les actes juridiques et les faits juridiques sont deux sources distinctes de droits et d'obligations.
Le fait juridique est un événement entraînant des effets juridiques indépendamment de la volonté de leur auteur.
Ainsi, à chaque fois que l'email pourra servir de preuve d'un fait juridique, il pourra être produit en justice pour justifier de la réalité de ses affirmations et prétentions.
A cet égard, il convient de relever qu'il aurait été utile pour l’employeur de se faire assister d'un avocat spécialisé en droit de l'Internet pour contester l'authenticité du courriel ou justifier, le cas échéant, que la boîte d’expédition de la messagerie de l’entreprise ai pût être détournée.
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Anthony Bem
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