Le 6 novembre 2013, la Cour de cassation a jugé que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée puis un contrat à durée indéterminée est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche et est en droit d'obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération. (Cass. soc., 6 novembre 2013, n° 12-15953)
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Le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) étant « la forme normale et générale de la relation de travail », le contrat de travail à durée déterminée (CDD) fait figure d’exception et est à ce titre soumis à des conditions légales tenant notamment à sa forme, à sa durée et aux cas de recours autorisés.
Ainsi, l’article L1242-1 du code du travail dispose qu’« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. »
Le non-respect de ces règles est généralement sanctionné par la requalification du contrat de travail à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI).
En effet, l’article L1245-1 du code du travail prévoit la requalification en CDI de tout CDD conclu en méconnaissance de certaines dispositions parmi lesquelles figurent notamment celles de l’article L1242-1 précité.
Dès lors, tout salarié dont le contrat de travail à durée déterminée (CDD) est irrégulier pourra demander la requalification de celui-ci en contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Le salarié peut solliciter cette requalification, alors même que son contrat de travail à durée déterminée a été poursuivi après l'échéance du terme ou qu’il a été, après l'arrivée du terme, engagé par contrat à durée indéterminée. (Cass. soc., 1er février 2000, n° 98-41624).
En l’espèce, un salarié a travaillé au service de La Poste pendant 5 ans dans le cadre de 52 contrats à durée déterminée (CDD).
Un an plus tard, le salarié a été engagé par contrat à durée indéterminée (CDI).
Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de l'intégralité de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée (CDI) et en paiement de diverses sommes, en invoquant une reprise d’ancienneté à compter du premier jour du premier CDD.
La cour d’appel a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité de congé payé afférente en jugeant que le salarié ne pouvait prétendre à une reprise d'ancienneté depuis le premier jour du premier contrat de travail.
D’après les juges d’appel, une telle reprise d'ancienneté ne pouvait intervenir qu’en cas de succession ininterrompue de contrats à durée déterminée ou si le salarié, en cas d'interruption, établissait qu'il s'était tenu à la disposition de l'entreprise.
Or, dans le cas présent, il y avait eu plusieurs interruptions entre certains des CDD et le salarié ne démontrait pas s’être tenu à la disposition de l’employeur durant ce laps de temps.
Dès lors, il s’agissait de savoir si les interruptions existant entre certains des CDD pouvaient faire obstacle à une reprise intégrale d’ancienneté en cas de requalification en CDI.
Cette question était loin d’être dépourvue d’intérêt dans la mesure où le montant de la rémunération dans une entreprise comme La Poste varie en fonction de l’évolution de la carrière et de l’ancienneté et qu’ainsi une reprise intégrale d’ancienneté aurait permis d’obtenir un salaire plus élevé.
La Cour de cassation a répondu par la négative en cassant et annulant l’arrêt d’appel qui avait exclu la reprise d’ancienneté du fait des interruptions intervenues entre certains des CDD.
Pour la Haute juridiction, « par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche au sein de La Poste et qu'il était en droit d'obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération. »
En conséquence, dans le cadre d’une requalification de plusieurs CDD en CDI, le salarié est en droit de prétendre à une rémunération tenant compte de l’ancienneté déjà acquise depuis le premier jour du premier CDD, sans avoir à démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’entreprise durant les périodes d’inactivité entre certains des CDD.
Contrairement à ce qu’a prétendu la cour d’appel, cette preuve selon laquelle le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur ne semble devoir être rapportée que si le salarié prétend à des rappels de salaires pour les périodes situées entre chaque CDD.
Or, l’arrêt commenté se prononce uniquement sur le droit à reprise d’ancienneté pour déterminer le montant de salaire à accorder lors de l’embauche ultérieure en CDI, mais ne dit rien sur le droit à rémunération durant les périodes séparant les CDD.
Cette carence est fort heureusement palliée par un arrêt du 24 avril 2013 qui, statuant sur une affaire similaire concernant la même entreprise, a retenu que « le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat s'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail. » (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 12-12274)
En d’autres termes, le paiement des périodes intermédiaires entre les CDD est subordonné, malgré la requalification de la relation contractuelle en CDI, à la preuve que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur.
En définitive, il résulte de l’arrêt commenté que le salarié, dont les CDD ont été requalifiés en CDI, est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche et son ancienneté doit dès lors se calculer à compter de cette même date.
En conséquence, avec l’assistance d’un avocat spécialisé en droit social, un salarié peut se prévaloir des irrégularités de plusieurs CDD pour obtenir leur requalification en CDI ainsi que la reconstitution de sa carrière et la régularisation de sa rémunération qui devra alors tenir compte du niveau d’ancienneté ainsi atteint.
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Anthony Bem
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