La présente affaire démontre que le choix d’un nom de domaine pour un site internet, un blog, un forum de discussion n’est pas sans conséquence. (CA Paris, Pôle 5 – ch. 1, 2 octobre 2013, « Affaire Blind Test »)
La règle du « premier arrivé premier servi » en matière de nom de domaine ne doit occulter le fait qu’un nom de domaine peut constituer une contrefaçon de marque déposée et un acte de concurrence déloyale envers un concurrent susceptibles d’entrainer des condamnations financières importantes.
En l’espèce, le titulaire de la marque Blind Test, notamment pour des services de jeux en ligne et du nom de domaine www.blind-test.com, utilisait ce signe pour commercialiser des boîtes de jeux dont le principe consiste à répondre correctement à des questions posées à partir de l’écoute d’extraits sonores.
Or, ce dernier a découvert que la société Chugulu spécialisée dans l’offre gratuite de services de jeux interactifs en ligne :
- avait réservé et exploitait le nom de domaine www.blindtest.com, alors qu’antérieurement était réservé le nom de domaine www.blind-test.com et l’exploitait pour des produits et services de jeux
- indiquait en page d’accueil de son site internet qu’un jeu de quizz musical intitulé le Blind Test était accessible sur le site internet spécialement dédié : www.blindtest.com.
Ainsi, Monsieur T. a introduit une action en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir l’indemnisation des actes de contrefaçon et l’interdiction par la société Chugulu d’utiliser le signe Blind Test dans le nom de domaine et sur les pages du site internet www.blindtest.com.
Selon la société Chugulu, l’expression Blind Test est dépourvue de caractère distinctif pour désigner des jeux sous forme de ’quizz’ et en particulier des jeux de ’quizz musicaux’ dont les participants doivent répondre à des questions à partir de l’écoute d’extraits musicaux et que les marques Blind Test encourent en conséquence la nullité.
Il importait donc de rechercher si le signe Blind Test constituait exclusivement, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire, générique ou usuelle de jeux de sociétés, multimédia, en ligne, télévisés, radiophoniques, etc... sous forme de ’quizz’ et plus particulièrement de ’quizz musicaux’.
Ainsi, la Cour a jugé que :
« il est constant que l’expression Blind Test est issue de la langue anglaise et signifie, traduite en français, ’essai à l’aveugle’ ;
… la cour observe, à l’examen des documents antérieurs au 25 février 2000, que le signe Blind Test constitue le titre de trois magazines dont le contenu n’est pas identifiable, qu’il se rencontre accompagné d’une explication indiquant qu’il désigne un jeu musical ou un ’quizz’ musical, ce qui démontre qu’une telle signification était à l’époque ignorée de la plus grande part du public français, qu’il est utilisé aussi pour désigner des essais de produits en matière de marketing et des tests œnologiques et gustatifs ;
Considérant qu’il suit de ces éléments que le signe Blind Test présentait à la date des dépôts respectifs un caractère distinctif pour désigner les produits et services désignés et que la demande en nullité des marques formée par la société Chugulu doit être rejetée ».
Pour juger que la contrefaçon par imitation était caractérisée, la Cour a jugé que :
« la reprise du signe ’blindtest’ dans le nom de domaine www.blindtest.com, pour l’exploitation de produits et services similaires à ceux couverts par les marques françaises et communautaire opposées, caractérise une contrefaçon par reproduction au sens du code de la propriété intellectuelle »
« la dénomination ’blindtest’ représente, au sein du signe incriminé, l’élément dominant »
« l’utilisation de ce signe pour désigner des jeux multimédia ou des jeux en ligne c’est-à-dire des produits et services présentant un degré élevé de similitude avec les produits et services couverts par les marques, est de nature à caractériser un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association), pour le consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé qui serait fondé à attribuer aux produits et services identifiés par les signes en cause une provenance commune ou à rattacher ces produits et services à des entreprises économiquement liées ».
Par ailleurs, s’agissant de la concurrence déloyale reprochée, la cour a posé un principe en matière de dénomination d’un nom de domaine en contrefaçon d’une marque déposée.
Le principe à conserver en mémoire est celui selon lequel l’utilisation pour nom de domaine d’un signe quasiment identique à celui utilisé antérieurement par un concurrent pour l’exploitation de produits et services similaires entraine un risque de confusion sur l’origine commerciale des produits et services en présence attentatoire à un exercice loyal de la liberté du commerce et de l’industrie et caractérise une faute au sens des dispositions de l’article 1382 du code civil.
Le choix d’un bon nom de domaine n’est pas anodin et relève au préalable d’une réflexion stratégique ainsi que d’une vérification juridique.
A défaut, le nom de domaine risque de constituer, comme dans l’affaire commentée, une atteinte et une violation de droits d’un tiers sur une marque déposée et/ou un acte de concurrence déloyale envers un concurrent susceptible d’entrainer une condamnation au paiement de dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale.
Le recours aux services d’un avocat spécialisé en droit des marques est donc un préalable indispensable et bénéfique à plusieurs égards.
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Anthony Bem
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