Le contrôle de l’activité d’un salarié pour prouver sa faute soumis au principe de loyauté

Publié le 02/02/2015 Vu 5 656 fois 0
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Le licenciement pour faute grave d’un salarié est-il valable si la preuve de cette faute a été établie au moyen d’un stratagème de l’employeur ?

Le licenciement pour faute grave d’un salarié est-il valable si la preuve de cette faute a été établie a

Le contrôle de l’activité d’un salarié pour prouver sa faute soumis au principe de loyauté

Le 19 novembre 2014, la Cour de cassation a condamné un employeur au paiement de dommages et intérêts au profit de son salarié licencié sans cause réelle et sérieuse du fait de l’irrecevabilité de la preuve de la faute de ce dernier compte tenu que cette preuve avait été obtenue par le biais d’un stratagème mis en place par l’employeur afin de contrôler les pratiques du salariée à son insu.

En l’espèce, une conseillère beauté d’une société de parfumerie a été licenciée pour faute grave suite aux témoignages d’un client et de la directrice du magasin auprès de l’employeur.

Concrètement, ces deux témoins avaient rapporté à l’employeur que la salarié n’avait pas enregistré deux ventes réglées en espèces pour des montants de 250 et 360 euros.

La Cour d’appel a considéré que ces attestations constituaient un stratagème mis en place par l’employeur et a condamné ce dernier à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au profit de sa salariée.

La Cour de cassation a confirmé la décision des juges d’appel en considérant que :

« le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par lesquels les juges du fond ont constaté, sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties, que les deux témoins n’étaient pas dans le magasin par hasard et que leur présence résultait d’un stratagème mis en place par l’employeur afin de contrôler à son insu les pratiques de la salariée ».

Ainsi, il ressort de cet arrêt que :

- l’employeur n’a pas le droit de contrôler l’activité du salarié à son insu (1) ;

- le contrôle qualifié de « stratagème » constitue un moyen de preuve illicite ne pouvant établir la faute du salarié licencié (2) ;

- le « stratagème » mis en place par l’employeur pour établir la faute de son salarié est soumis à l’appréciation souveraine des juges (3).

1) L’interdiction de l’employeur de contrôler l’activité du salarié à son insu

Pour mémoire, l’article L 1222-4 du code du travail dispose que :

« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

A ce titre, la Cour de cassation admet que :

« l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps du travail » ;

« seul l'emploi de procédé clandestin de surveillance est illicite » (Cass. Soc. 14 mars 2000, n° 98-42.090).

Autrement dit, l’employeur doit exercer ses pouvoirs de contrôle et de surveillance par des procédés loyaux dont le salarié a été informé de l'existence.

En l’espèce, les juges ont considéré que les deux témoignages résultaient « d’un stratagème mis en place par l’employeur afin de contrôler à son insu les pratiques de la salariée ».

Il découle de cette décision, qu'à des fins probatoires tout n'est pas permis à l’employeur.

Même si au cas d'espèce la solution retenue par les juges peut sembler injuste, elle illustre surtout une application strict du principe selon lequel les parties à un procès doivent rapporter la preuve de leurs arguments de manière loyale (exception faite des procès pénaux).

2) Le stratagème de l’employeur constitutif d’un moyen de preuve illicite de la faute du salarié

Pour mémoire, le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse

Parmi les causes réelles et sérieuses, la faute du salarié peut justifier un licenciement à condition de revêtir une certaine gravité.

Ainsi, seules les fautes « sérieuse » ; « grave »; ou « lourde » peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement du salarié.

En l’espèce, la salariée a été licenciée pour faute grave au titre des détournements de fonds dont elle était l'auteur.

A ce titre, il est important de rappeler que la jurisprudence définit la faute grave comme « celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise » (Cass. Soc. 27 septembre 2007, no 06-43.867). 

Par ailleurs, concernant l’établissement de la preuve, l’article 9 du code de procédure civile dispose que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

C’est donc à l’employeur de rapporter la preuve de la faute du salarié sur le fondement de ce texte.

A cet égard, le 18 mars 2008, la Haute Cour a considéré que : « si un constat d'huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l'information préalable du salarié, en revanche il est interdit à cet officier ministériel d'avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve »(Cass. Soc, 18 mars 2008 n° 06-40852).  

***

De la même manière la Haute Cour a jugé que l’employeur ne peut pas valablement utiliser les éléments de preuve issus d’un « stratagème » mis en place pour prouver la faute d’un salarié.

En l’espèce, l’employeur a décidé de licencier la salariée pour faute grave en se fondant sur les attestations de deux témoins.

Toutefois, au vu des éléments de faits, les juges ont considéré souverainement que :

- « les deux témoins n’étaient pas dans le magasin par hasard » ;

- « leur présence résultait d’un stratagème mis en place par l’employeur afin de contrôler à son insu les pratiques de la salariée ».

Les juges en ont donc déduit que ces témoignages constituaient un procédé de preuve illicite de la faute du salarié dont l'employeur ne pouvait pas valablement se prévaloir en justice pour justifier de son licenciement.

Les effets de cette décision sont tout de même à nuancer eu égard à celle rendue par la Cour de cassation, le 5 novembre 2014, aux termes de laquelle il a été jugé que :

« le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode de preuve illicite » (Cass. Soc., 5 novembre 2014, n° 13-18427).

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