La Cour de cassation annule les gardes à vue sans avocat et antérieures au 15 avril 2011

Publié le Modifié le 12/04/2012 Vu 8 403 fois 0
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Par quatre arrêts du 31 mai 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé des arrêts d’appel qui ont rejeté des demandes d’annulation des gardes à vue qui se sont déroulées, sans l’assistance d’un avocat, avant le 15 avril 2011, date d’application effective de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (Cass. Crim. 31 mai 2011, n °10-88809, 11-81412, 10-88293, 10-80034)

Par quatre arrêts du 31 mai 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé des arrê

La Cour de cassation annule les gardes à vue sans avocat et antérieures au 15 avril 2011

Le 15 avril 2011, la loi réformant la garde à vue a été publiée au Journal officiel. Son entrée en vigueur est prévue ce jour, le 1er juin 2011.

Parallèlement, coïncidence des dates, l’assemblée plénière de la Cour de cassation s'est prononcée le 15 avril 2011 sur l’application immédiate de la réforme au lieu du délai prévu par le texte de loi.

La cour de cassation a en effet jugé que :

« Les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaquées devant elles ni d’avoir modifié leur législation ».

Ainsi, en application de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne placée en garde à vue pourra désormais bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires.

La loi relative à la garde à vue était devenue obligatoire après la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 qui invalidait le régime de garde à vue, au motif notamment qu’il ne garantissait pas suffisamment les droits de la défense.

Les nouvelles dispositions de la loi constituent une révolution de la procédure pénale en ce qu’elles :

- Limitent l’usage de la garde à vue aux délits passibles de prison ;

- Permettent la prolongation de la garde à vue uniquement pour les délits punis d’au moins un an d’emprisonnement ;

- Autorisent la présence de l’avocat pendant toute la durée de la garde à vue de droit commun, au lieu de 30 minutes auparavant et lui permet d’assister à toutes les auditions de la personne dès le début de la mesure de garde à vue ;

- Permettent d’avoir accès aux procès-verbaux d’audition de son client ;

- Contraignent le procureur de la République à ne pas pouvoir différer l’exercice de ces deux nouveaux droits pendant une durée maximale de douze heures, en raison de circonstances particulières faisant apparaître la nécessité, en urgence, de rassembler ou de conserver les preuves ou de prévenir une atteinte imminente aux personnes ;

- Consacrent le droit de garder le silence par les personnes gardées à vue ;

- Limitent la pratique des « fouilles au corps » ;

- Suppriment la procédure d’audition libre prévue pour les infractions mineures ;

- Empêchent toute condamnation sur la seule base de déclarations faites hors de la présence d’un avocat.

Surtout, aux termes des arrêts du 31 mai 2011, la cour de cassation a jugé quatre affaires concernant des personnes qui se sont pourvues devant la Haute Cour eu égard aux vices de procédures inhérentes aux gardes à vue réalisées hors la présence d’un avocat, dès le début de la mesure de garde à vue, sur le fondement notamment des articles 6 § 1, 6 § 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles préliminaire, 62, 63, 63-1, 63-4, 77, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale.

En effet, de nombreuses dispositions législatives dans le code de procédure pénale et supra-législatives dans la Convention européenne des droits de l’homme s’appliquent à la garde à vue et au droit spécifique de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

A titre d’exemple et pour mémoire, l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement , publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial , établi par la loi , qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

Par ailleurs, l’article 6 § 3-3°de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

« Tout accusé a droit notamment à :… se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent  »

De plus, l’article dit préliminaire du code de procédure pénale dispose que :

« I. - La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

II. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. … Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur. »

En outre, l’article 63-1-3° du code de procédure pénale dispose que :

«  La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits :

3° Du fait qu'elle bénéficie du droit … d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 »

Enfin, l’article 77 du code de procédure pénale dispose que :

 « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.

A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.

Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue. »

La cour de cassation s’est simplement fondée sur l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme précité afin de juger que :

Affaire n °10-88809 :

« Attendu qu’il se déduit de ce texte que toute personne, placée en retenue douanière ou en garde à vue, doit, dès le début de ces mesures, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des agents des douanes exerçant leur droit général de visite ont procédé, lors d’un contrôle routier, à la fouille du véhicule automobile, immatriculé en Lituanie et conduit par M. X..., son propriétaire ; qu’ils ont saisi une quantité importante de résine de cannabis dissimulée dans une cache spécialement aménagée dans le dos de la banquette arrière de ce véhicule ; qu’ils ont également relevé des indices de participation à un trafic de stupéfiants commis en bande organisée, corroborés par l’interpellation, quelques kilomètres plus loin, d’un second automobiliste lituanien ; que, placé en retenue douanière puis en garde à vue, M. X... a été mis en examen des chefs ci-dessus spécifiés ;

Attendu que, pour écarter l’exception de nullité des procès-verbaux établis dans le cadre de la retenue douanière puis de la garde à vue ainsi que des actes subséquents, présentée par requête du 15 mars 2010 et prise de la violation, par les articles 323 du code des douanes et 63 et suivants du code de procédure pénale, de l’article 6 § 3 de la Convention susvisée, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours des mesures de rétention douanière puis de garde à vue étaient irrégulières, d’annuler ces actes puis de procéder ainsi qu’il est prescrit par les articles 174 et 206 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que l’annulation est encourue »

Affaire 11-81412 :

« Attendu qu’il se déduit de ce texte que toute personne, placée en garde à vue, doit , dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu que, pour rejeter le moyen pris de la nullité de la garde à vue par lequel le mis en examen soutenait n’avoir pas eu l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de la mesure de garde à vue étaient irrégulières, d’annuler ces actes puis de procéder ainsi qu’il est prescrit par Ies articles 174 et 206 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que l’annulation est encourue »

Affaire 10-88293 :

« Attendu qu’il se déduit de ce texte que toute personne placée en garde à vue doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire, et sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., placée en garde à vue le 24 juillet 2009 à 14 h 30, dans une enquête ouverte sur des faits de violation de domicile, menaces de mort et dégradations, a pu s’entretenir avec son avocat, de 15 h 20 à 15 h 50, avant d’être entendue à deux reprises par les enquêteurs, de 16 h 35 à 17 h 20 ; qu’il a été mis fin à la garde à vue le même jour, à 18 heures ; que le tribunal correctionnel, devant lequel Mme X... a comparu suivant la procédure prévue par l’article 394 du code de procédure pénale, a, après avoir écarté l’exception de nullité soulevée par la prévenue, relaxé celle-ci du chef de violation de domicile, l’a déclarée coupable des autres chefs de prévention et a prononcé sur les intérêts civils ; qu’appel a été interjeté de cette décision ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation des procès-verbaux d’audition de Mme X..., qui faisait valoir qu’elle n’avait pu bénéficier de l’assistance de son avocat au cours de la garde à vue, notamment lorsqu’elle avait été entendue par les enquêteurs, l’arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de la garde à vue étaient irrégulières, d’annuler ces auditions et, le cas échéant, d’étendre les effets de cette annulation aux actes dont les auditions étaient le support nécessaire, la cour d’appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que l’annulation est encourue de ce chef »

Affaire 10-80034 :

« Attendu qu’il se déduit de ce texte, que toute personne, placée en retenue douanière ou en garde à vue, doit, dès le début de ces mesures, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, pouvoir bénéficier, en l’absence de renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de son interpellation en flagrant délit pour contrebande de stupéfiants, Mme X... a été placée en retenue douanière puis en garde à vue ;

Attendu que, pour écarter la requête en nullité de ces mesures et des actes qui en ont été la suite, prise par Mme X... de l’absence de notification du droit de se taire et de la privation du droit à l’assistance immédiate et effective d’un avocat, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours des mesures de rétention douanière puis de garde à vue étaient irrégulières, d’annuler ces actes puis de procéder ainsi qu’il est prescrit par les articles 174 et 206 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que l’annulation est encourue de ce chef »

*********

En conclusion, grâce à ces quatre arrêts toutes les personnes mises en cause pénalement mais non assistés par un avocat durant leur garde à vue pourront solliciter la nullité des procès verbaux d’audition réalisés en garde à vue, dans les six mois à compter de la notification de leur mise en examen, ou devant le tribunal correctionnel à défaut d’instruction.

Dans ces conditions, les avocats peuvent obtenir l’annulation des procès verbaux de garde à vue et des actes postérieurs fondés sur les aveux obtenus, voir même obtenir l'annulation de l’intégralité de la procédure si ce sont les déclarations recueillies pendant la garde à vue qui ont servi de fondement aux poursuites pénales.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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