Pour mémoire, une sanction disciplinaire est une mesure prise par un employeur à la suite d'un agissement du salarié qu’il considère comme fautif (non-respect des règles de discipline fixées par le règlement intérieur, refus de se conformer à un ordre de l’employeur, négligences commises dans le cadre du travail, etc…).
Cette sanction peut consister en un avertissement, un blâme, une mise à pied, une mutation, une rétrogradation ou même un licenciement pour faute grave.
Si l’employeur peut ainsi se prévaloir d’une faute commise par un salarié pour le sanctionner, force est de constater que ce pouvoir de l’employeur est limité notamment par le principe « non bis in idem » qui interdit de sanctionner une personne à deux reprises pour un même fait.
La Cour de cassation a fait application de ce principe dans un arrêt du 16 mai 2000, en jugeant que « le comportement désagréable de la salariée envers la clientèle qui avait déjà donné lieu à un avertissement ne pouvait être sanctionné de nouveau ». (Cass. Soc., 16 mai 2000, n° 98-42039)
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 avril 2014 n’innove donc pas sur ce point en faisant application du même principe, mais il est toute de même d’une grande importance en ce qu’il juge qu’un courriel (email) adressé par un employeur à un salarié peut s’analyser en un avertissement sanctionnant le comportement fautif du salarié, de sorte qu’un licenciement fondé sur le même comportement fautif serait sans cause réelle et sérieuse et donc nul. (Cass. Com., 9 avril 2014, n° 13-10939)
En l’espèce, un salarié a été licencié par son employeur pour faute grave.
Préalablement à ce licenciement, l’employeur avait adressé à ce salarié un email dans lequel il faisait état d'agissements fautifs, lui rappelait les règles en vigueur dans l’entreprise et l’invitait à s'y conformer.
Considérant ce licenciement injustifié et disproportionné, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes pour voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités de rupture.
Les juges prudhommaux et la cour d’appel ont donné gain de cause au salarié en jugeant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ont condamné l’employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
Pour ce faire, les juges d’appel ont qualifié le courriel d'avertissement disciplinaire pour en déduire que la règle « non bis in idem » faisait obstacle au prononcé du licenciement.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en approuvant les premiers juges d’avoir relevé que le courriel par lequel l'employeur reprochait au salarié des manquements aux règles et procédures internes à l’entreprise et l'invitait de manière impérative à se conformer à ces règles et ne pas poursuivre ce genre de pratique, « sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement ».
La solution ainsi retenue par la Cour de cassation n’est pas sans rappeler un arrêt du 26 mai 2010 qui a jugé que le message électronique dans lequel l'employeur adressait divers reproches à la salariée et l'invitait de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure, sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement. (Cass. Soc., 26 mai 2010, n° 08-42893)
Il en résulte qu’un courriel de l’employeur adressant des reproches au salarié et l’invitant impérativement à se conformer aux règles applicables au sein de l’entreprise s’analyse en un avertissement disciplinaire, avec pour conséquence que les griefs cités dans ce courriel ne pourront fonder ultérieurement un licenciement disciplinaire.
Toutefois, si le comportement fautif du salarié qui a donné lieu à l’envoi du courriel persiste ou si le salarié commet une nouvelle faute de même nature que celle précédemment sanctionnée, l’employeur pourra alors se prévaloir de la précédente sanction pour sanctionner une nouvelle fois le salarié fautif, dès lors que cette précédente sanction ne remonte pas à plus de trois ans. (Cass. Soc., 30 septembre 2004, n°02-44030)
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que l’arrêt commenté invite ainsi les employeurs à la plus grande prudence quant à l’utilisation de la messagerie électronique dans les relations de travail, au risque de voir leurs salariés contester leur licenciement et leur réclamer le paiement de diverses indemnités de rupture.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com