Un employeur peut licencier un salarié notamment si ce dernier a commis une faute grave, c’est-à-dire un manquement à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'il rende impossible son maintien dans l'entreprise.
Cependant, l’employeur qui entend licencier son salarié pour faute doit respecter une procédure prévue par les articles L.1232-2 et suivants du code du travail à savoir : l'envoi d'une lettre de convocation à un entretien préalable en bonne et due forme, l'entretien préalable en tant que tel, puis l'envoi d'une lettre de notification du licenciement.
Ainsi, si l’employeur licencie le salarié sans avoir respecté la procédure légalement fixée dans le code du travail, ce licenciement sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et le salarié pourra obtenir des indemnités et réintégrer son poste.
C'est notamment le cas lorsque l’employeur interdit au salarié de reprendre son travail, auquel cas il s’agira d’un licenciement verbal, lequel est nécessairement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où les raisons du licenciement ne sont pas motivées par écrit.
En conséquence, le salarié licencié verbalement pourra légitimement prétendre à des indemnités pour licenciement abusif en saisissant le conseil des prud'hommes.
Encore faut-il que le salarié puisse démontrer le caractère abusif du licenciement dont il a fait l’objet.
Mais la difficulté qui se présente est de produire des preuves dans des conditions qui permettent leur recevabilité.
Or, avec l’admission de nouveaux moyens de preuve résultant du développement de la communication par internet et de la multiplication des smartphones, le législateur et la jurisprudence veillent à ce que les preuves électroniques comme l’email respectent certaines conditions.
Ainsi, l’article 1316-1 du code civil dispose que :
« L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. »
De plus, l’article 1316-4 du même code dispose que :
« La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si ces dispositions sont applicables au courrier électronique produit par un salarié pour prouver le caractère abusif de son licenciement de la part de son employeur.
En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute grave.
Contestant ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes indemnitaires.
La cour d’appel a accueilli ces demandes et a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour ce faire, la cour d’appel s’est fondée notamment sur un courriel versé au débat par le salarié et signé par son employeur provenant d'une adresse électronique de la société.
Or, aux termes de cet email, l'employeur demandait à son salarié de démissionner, afin d'éviter un licenciement et un litige devant le conseil de prud'hommes.
Selon l’employeur, le courrier électronique ne respectait pas les dispositions des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil spécifiques aux modes de preuve électroniques.
Cependant, la Cour de cassation a validé l'arrêt d'appel en jugeant que les conditions de validité de l'écrit ou de la signature électroniques, posées par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour établir la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tous moyens, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond.
En d’autres termes, la preuve de l'existence d'un fait, tel un licenciement verbal, peut être établie par tous moyens, y compris par courrier électronique, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si les conditions requises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil pour la validité de l'écrit ou de la signature électronique sont satisfaites.
Il résulte de cette décision que les salariés estimant avoir fait l’objet d’un licenciement abusif peuvent valablement produire en justice un courrier électronique comme moyen preuve afin de voir juger que leur départ constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en obtenir les indemnités subséquentes.
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Anthony Bem
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