La France est frappée depuis début 2020 par une crise sanitaire et économique en raison de la pandémie de Covid-19.
Cette situation sans précèdent a eu de nombreuses conséquences tels que le confinement général de la population et la fermeture de tous les lieux accueillants du public tels que les bars, restaurants etc…
Cette crise a conduit un nombre important de cocontractants à ne pas respecter leurs obligations contractuelles.
Il est dès lors normal de s’interroger sur le point de savoir si cette pandémie présente ou non le caractère de la force majeure et ainsi justifier l’inexécution temporaire ou définitive d’obligations contractuelles par l’une des parties au contrat.
Pour mémoire, la notion de force majeure est prévue à l’article 1218 du code civil, en ce qu’il dispose qu’ :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».
La jurisprudence complète cette définition légale et exige pour qu’un événement présente les caractères de la force majeure, qu’il soit extérieur aux cocontractants, imprévisible et irrésistible.
Des jurisprudences, rendues en mars 2020, sont logiquement venues appliquer la notion juridique de « force majeure » à la crise sanitaire liée au coronavirus.
Ainsi, le 12 mars 2020, la cour d’appel de Colmar a rendu, dans le cadre d’une procédure de prolongation d’une mesure de rétention administrative d’un étranger, une décision qualifiant le risque de contagion par la Covid-19 de cas de force majeure.
Les faits de l’espèce ne concernaient certes pas une relation contractuelle cependant la décision de justice apporte un premier éclaircissement des juges sur l’appréciation de la notion de « force majeure » par rapport à la pandémie dont é été victime le monde entier.
En l’espèce, la cour d’appel de Colmar était saisie de la rétention administrative d’un individu susceptible d’avoir fréquenté des personnes infectées par le virus.
Or, la cour d’appel était tenue de rendre sa décision dans un délai légal précis et la visioconférence était impossible en raison des difficultés techniques.
La cour a donc qualifié le risque de contagion par la Covid-19 de cas de force majeure et du rendre sa décision en l’absence de la personne concernée.
Ainsi, la Cour a jugé que :
« compte tenu de la pandémie Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l'autorité publique, alors que (le) département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l'épidémie, caractérisé par un degré de contagion important et de nature à faire courir des risques réels et suffisamment sérieux à l'ensemble du personnel requis pour assurer la tenue de l'audience en présence du maintenu en zone d'attente, il sera statué hors la présence de ce dernier (…), les circonstances sus visées caractérisant un cas de force majeure) ».
Par ailleurs, la cour d'appel de Bordeaux s’est également prononcée, dans des circonstances similaires, le 19 mars 2020, à la différence près qu’il s’agissait de décider de l’admission ou non d’une personne en soins psychiatriques sous contrainte et sans consentement.
La cour a aussi retenu le cas de force majeure pour justifier de l’impossibilité de disposer physiquement de la personne concernée en audience.
La cour d'appel de Bordeaux a ainsi jugé que :
« En raison de l'actuelle pandémie du coronavirus, suite aux instructions de la garde des Sceaux invitant à actionner les plans de continuation d'activité des juridictions et à ne conserver que les activités essentielles (…), l'audience de ce jour s'est déroulée alors que X n'a pas été en mesure de se déplacer. Le plan de continuation susvisé (…) ne prévoit pas la tenue d'une audience au sein des locaux aménagés du centre hospitalier. (…) Le recours à la visio-conférence n'a pas été possible pour deux raisons. (…) Il n'est juridiquement pas possible de renvoyer l'examen de l'appel relevé par X (…). Les éléments mentionnés ci-dessus caractérisent la force majeure et constituent des circonstances insurmontables qui justifient l'absence de X à l'audience de ce jour (…) ».
Bien qu’aucune de ces deux décisions de justice n’ait été rendue en matière contractuelle, elles permettent de considérer que la notion de « force majeure » puisse utilement s’appliquer lorsqu’il n’a pas été possible pour l’une ou l’autre des parties à un contrat de l’exécuter correctement.
En tout état de cause, les futures décisions de justice conforteront les juristes et les parties cocontractantes sur la question de l’applicabilité et l’application de la notion de « force majeure » en matière contractuelle à cause de la pandémie pour permettre à ces dernières d’échapper à leurs obligations et aux éventuelles sanctions.
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Anthony Bem
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