I - Les textes de loi applicables et le principe d’interdiction du cumul d’activités
La loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 a abrogé le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions des agents publics.
Le décret du 2 mai 2007, modifié par le décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011, dresse la liste des activités accessoires que les fonctionnaires et agents non titulaires peuvent exercer à titre dérogatoire, et rappelle la procédure à suivre devant la commission de déontologie.
Enfin, la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est venue assouplir la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, quant au régime du cumul d’activités.
Le nouvel article 25 de la loi du 13 juillet 1983 n’a pas modifié le principe général de l’interdiction du cumul d’activités.
En effet, il réaffirme l’obligation d’exclusivité qui impose aux fonctionnaires et agents non titulaires de droit public de consacrer « …l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ».
De plus, la loi énumère les activités strictement interdites aux agents de la fonction publique. Ainsi, sont interdites même si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes :
- La participation aux organes de direction de sociétés ou d’associations non reconnues d’utilité générale.
- Le fait de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique (le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale), sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique.
- La prise d’intérêts, directe ou par personne interposée, de nature à compromettre l’indépendance de l’agent, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration ou en relation avec son administration d’appartenance.
II - Les dérogations à l’interdiction du cumul d’activités
2.1 - Les dérogations légales (l’exercice d’activités diverses)
Certaines activités ne sont pas concernées par les restrictions en matière de cumul, et ne nécessitent aucune autorisation préalable.
Ainsi, sont expressément autorisées conformément à l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les activités suivantes :
- Parts sociales et patrimoine : Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s’y attachent. Ils gèrent librement leur patrimoine personnel ou familial.
- Œuvres de l’esprit : La production des œuvres de l’esprit au sens des articles L112-1, L112-2 et L112-3 du code de la propriété intellectuelle s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et des obligations de secret professionnel et de discrétion qui leur incombent.
- Professions libérales : Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.
D’autres textes législatifs et réglementaires posent également un certain nombre de dérogations.
Ainsi, les agents publics peuvent également :
- Bénéficier d’un « contrat vendanges » à durée déterminée de droit privé (article L122-3-20 du code du travail).
- Exercer les fonctions d’agent recenseur, par dérogation aux règles de droit commun en matière de cumul (article 156 loi n° 2002-276 du 27 février 2002).
- Remplir les fonctions de syndic de copropriété au sein de laquelle ils sont eux-mêmes propriétaires. Néanmoins, cette activité doit avoir un caractère occasionnel et être compatible avec l’exercice de l’emploi public.
- Les architectes, fonctionnaires ou agents non titulaires, peuvent exercer à titre individuel, sous forme libérale, lorsque leur statut ou leur contrat ne leur interdit pas , des missions de conception ou de maîtrise d’œuvre pour le compte d’autres personnes publiques ou privées conformément au décret n° 81-420 du 27 avril 1981.
2.2 - Les dérogations soumises à autorisation préalable (l’exercice d’activités accessoires)
Le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 modifié par le décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011 dispose dans son article 1er :
« Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. »
Par ailleurs, l’article 6 du même décret ajoute que l’activité accessoire ne peut être exercée qu’en dehors des heures de service de l’agent.
Notons qu’il n’existe pas de définition précise de la notion d’activité accessoire.
Sous l’empire du décret-loi du 29 octobre 1936, le juge administratif avait été conduit à considérer comme activité accessoire, toute fonction qui, en raison de son importance, ne suffirait pas à occuper normalement à elle seule l’activité d’un agent, et dont la rémunération, quelle que soit sa dénomination, ne constituerait pas, à raison de sa quotité, un traitement normal pour ledit agent.
Le décret-loi ayant été abrogé par la loi du 2 février 2007, et faute d’une nouvelle jurisprudence, il convient de conserver ces éléments de définition.
Selon les articles 2 et 3 du décret du 2 mai 2007, les activités accessoires susceptibles d’être autorisées sont les suivantes :
- Expertises ou consultations auprès d’une entreprise ou d’un organisme privé (sous réserve que cette activité ne soit liée à un litige intéressant une personne publique, sauf si elle s’exerce au profit de cette dernière).
- Enseignement et formation.
- Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l’éducation populaire.
- Activité agricole au sens du premier alinéa de l’article L311-1 du code rural dans des exploitations agricoles non constituées sous forme sociale, ainsi qu’une activité exercée dans des exploitations constituées sous forme de société civile ou commerciale (sous réserve que l’agent public n’y exerce pas les fonctions de gérant, de directeur général, ou de membre du conseil d’administration, du directoire ou du conseil de surveillance, sauf lorsqu’il s’agit de la gestion de son patrimoine personnel et familial).
- Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale mentionnée à l’article R121-1 du code de commerce (article 14 du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 s’agissant des artisans).
- Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin, permettant à l’agent de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide.
- Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers.
- Une activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif.
- Une mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un Etat étranger, pour une durée limitée.
Par ailleurs, depuis le décret du 20 janvier 2011, deux autres activités accessoires sont désormais admises, à savoir :
- Les activités de services à la personne.
- La vente de biens fabriqués personnellement par l’agent.
Toutefois, ces dernières activités ne peuvent être autorisées que sous le régime de l’auto-entrepreneur (Article 2 II du décret du 2 mai 2007 modifié par l’article 2 du décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011).
Précisons enfin, que l’article 9 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 dispose que : « Dans l'exercice d'une activité accessoire, les agents sont soumis aux dispositions de l'article 432-12 du code pénal », celui-ci réprimant la prise illégale d’intérêts.
III - La procédure conditionnant l'exercice d’une activité accessoire
3.1 - Demande et délivrance d’une autorisation
Conformément à l’article 4 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007, le cumul est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’intéressé.
Exception faite des cas où l’autorisation n’est pas nécessaire (article 5 du décret du 2 mai 2007), l’intéressé doit adresser à l’autorité dont il relève une demande écrite.
Si elle considère être suffisamment informée, elle notifie sa décision dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
A défaut, elle invite l’intéressé à fournir des éléments complémentaires qui doivent être retournés dans un délai de quinze jours à compter de la date de la demande.
L’autorité dispose alors d’un délai de deux mois pour notifier sa décision à l’intéressé à compter de la demande initiale de l’agent.
En l’absence de décision expresse dans les délais impartis, l’autorisation est réputée accordée.
Le recours à un avocat permettra de s'assurer du respect des conditions légales et du succès de la demande d'autorisation.
3.2 - Modification des conditions d’exercice de l’activité accessoire
Tout changement substantiel dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité accessoire est assimilé à l’exercice d’une nouvelle activité, et partant, doit faire l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation.
3.3 - Retrait de l’autorisation
A tout moment, l’autorité dont relève l’agent peut s’opposer à la poursuite d’une activité accessoire jusqu’alors autorisée, dès lors que :
- L’intérêt du service le justifie,
- Les informations sur la base desquelles l’autorisation a été donnée paraissent erronées,
- L’activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire.
IV - Le cumul d’un emploi public avec la création, reprise ou poursuite d’activités au sein d’une entreprise
La loi de modernisation de la Fonction publique n° 2007-148 du 2 février 2007 a accordé des facilités aux agents publics qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise.
Aux termes de l’article 25 II I° de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, l’interdiction d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative, ainsi que l’interdiction de participer à l’organe de direction d’une société ou d’une association, ne sont pas applicables au fonctionnaire ou agent non titulaire qui crée ou reprend une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole.
L’agent présente une déclaration écrite à l’autorité (art. 25 II I° loi du 13 juillet 1983 et art. 11 du décret du 2 mai 2007), 2 mois avant la date de création ou de reprise de l’entreprise.
Cette déclaration doit mentionner :
- La forme et l’objet social de l’entreprise,
- Le secteur et la branche d’activité,
- Le cas échéant, la nature et le montant des subventions publiques dont cette entreprise bénéficie.
L’autorité compétente saisit la commission de déontologie dans les 15 jours de la réception de la demande de l’agent.
La commission de déontologie rend son avis dans le délai d’un mois à compter de l’enregistrement du dossier de saisine par son secrétariat.
Ce délai peut être prorogé d’un mois.
Toutefois si elle estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de donner son avis, elle invite l’intéressé à compléter sa déclaration dans un délai maximum de quinze jours. Elle dispose alors d’un délai de 2 mois pour rendre son avis.
L’absence d’avis dans les délais impartis vaut avis favorable.
L’avis de la commission de déontologie est transmis à l’autorité compétente qui en informe l’intéressé.
Cette dérogation est ouverte pendant une durée maximale de 2 ans à compter de la création ou reprise et peut être prolongée pour une durée maximale d’un an.
Le décret n° 2011-82 prévoit que l’agent qui a bénéficié de ces dispositions ne peut solliciter l’exercice d’un nouveau cumul au titre de la création ou de la reprise d’une entreprise avant l’écoulement d’un délai de trois ans à compter de la date à laquelle a pris fin le cumul précédent.
Enfin, un dirigeant de société ou d’une association et lauréat d’un concours de la fonction publique ou recruté en tant qu’agent non titulaire, peut être autorisé à poursuivre son activité privée.
Pour ce faire, l’agent présente par écrit son intention de poursuivre son activité privée.
La commission de déontologie est saisie par l’autorité dont dépend l’agent dans un délai de 15 jours.
Elle rend son avis dans le mois qui suit et peut cependant demander des informations complémentaires à l’intéressé, dans cette hypothèse, le délai de réponse est de 2 mois.
L’avis de la commission est transmis à l’autorité qui en informe l’agent.
En toute hypothèse, la commission de déontologie contrôle la compatibilité des projets de création et de reprise d’une entreprise ainsi que des projets de poursuite d’activité au sein d’une entreprise ou d’une association, au regard des dispositions de l’article 432-12 du code pénal relatif à la prise illégale d’intérêts.
Elle examine également si le cumul d’activité envisagé porte atteinte à la dignité des fonctions publiques exercées par l’agent ou risque de compromettre, de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service dans lequel il est employé.
V - Les sanctions applicables en cas de non respect des règles relatives au cumul d’activités
En cas de violation du principe d’interdiction de cumul d’activités, l’agent encourt les sanctions suivantes :
- le reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement ;
- des poursuites pénales concernant notamment l’infraction de prise illégale d’intérêts conformément à l’article 432-12 du code pénal ;
- des sanctions disciplinaires conformément à l’article 18 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007.
Le recours préalable à un avocat permettra de les éviter.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
NB : le présent article a été rédigé avec la participation exceptionnelle de Monsieur Frédéric Sintes, juriste en poste dans la fonction publique.
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Anthony Bem
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