Le 16 mars 2015, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a contraint un prestataire de création de sites internet à transférer à son client les noms de domaine enregistrés (Tea Adoro et Mme R. / Millenium Brands Distribution c.v. et Millenium Sales & Marketing Ltd).
De nombreux commerçants qui se lancent dans le week end-commerce passent par des prestataires spécialisés dans la création de sites internet de vente en ligne.
Dans le cadre de leur prestation, ces prestataires procèdent à l'enregistrement des noms de domaine pour le compte de leurs clients.
Or, de manière quasi systématique, cet enregistrement est fait à leur nom et non au nom de leur client.
A cause de cette manœuvre, ce dernier peut donc ne pas avoir la main sur ses noms de domaine et se retrouver dans une situation de dépendance technique vis-à-vis de son prestataire et/ou de chantage au règlement de sommes d'argent.
En l'espèce, la société Tea Adoro a pour activité l'exploitation d'un salon de thé, d'un comptoir de thé et d'une épicerie fine.
Son dirigeant a fait procéder à l'enregistrement de la marque Tea Adoro en France, en Europe et à l'international et a sollicité la société Millenium afin notamment de concevoir un site internet vitrine ainsi qu’un site commercial.
Cependant, Millenium a réservé à son nom personnel plusieurs noms de domaine pour le compte de Tea Adoro.
Dans ce contexte, les société Tea Adoro et son dirigeant ont assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la société Millenium, notamment afin que celle-ci soit condamnée au transfert des noms de domaine litigieux, à la communication des codes de ses sites internet de façon à permettre à la société Tea Adoro de reprendre le contrôle de ces derniers, à la communication des codes confidentiels permettant l’accès à divers réseaux sociaux ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts à titre de réparation de ses différents préjudices subis.
Aux termes de sa décision, le juge a rappelé le principe selon lequel :
« Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Le juge des référés est donc compétent afin de faire cesser en urgence toutes les manœuvres de prestataire de création de site internet indélicat tendant à empêcher leur client à utiliser le site Internet qu'il lui a créé.
Cependant, concernant l’atteinte aux marques Tea Adoro, le juge constate qu'aucune pièce n’est versée au débat tel un procès-verbal de constat en ligne qui prouve la reproduction alléguée.
La société plaignante a donc manqué à son obligation procédurale d'apporter en justice la preuve de ses allégations pour permettre au juge de suivre la société dans son argumentation.
Concernant, l'enregistrement des noms de domaine litigieux au nom de la société Millenium, le juge a d'abord relevé que les fiches d'identité (WHOIS) des noms de domaine indiquaient bien Millenium comme titulaire de ces noms de domaines (”registrant” ou “Holder of domaine”).
Cette vérification s'impose comme un préalable nécessaire à la mise en jeu de la responsabilité juridique d'un site Internet.
En cas de procédure judiciaire en matière de cybersquatting, il est donc vivement recommandé aux parties de produire en justice cette fiche de renseignements afin d'établir la titularité du nom de domaine et les problèmes de titularité.
En conséquence, il a été jugé que :
« il est donc démontré que Madame R., en sa qualité de titulaire des marques Tea Adoro, et la société Tea Adoro, en sa qualité d’exploitante des produits commercialisés sous ces marques Tea Adoro, se trouvent dans l’impossibilité de continuer à exploiter les marques et plus précisément de poursuivre l’activité commerciale relative à la vente en ligne des produits vendus sous ces marques Tea Adoro du fait qu’elles n’ont plus la main sur les noms de domaine réservés et gérés directement par la société Millenium.
Cette situation constitue un trouble manifestement illicite qui justifie de faire droit aux demandes de mesures conservatoires formulées par Madame R. et la société Tea Adoro ».
Par conséquent, la société Millenium a notamment été condamnée à indemniser les préjudices subis, à transférer sous astreinte les noms de domaine litigieux et interdiction lui a été faite de les utiliser.
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Anthony Bem
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