Décision du conseil constitutionnel relative à la responsabilité des éditeurs de sites internet

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 3 789 fois 0
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Le 16 septembre 2011, le conseil constitutionnel a rendu une éclairante Décision relative aux questions de la responsabilité des sites internet et des auteurs de diffusion de contenus litigieux sur la Toile (n° 2011-164 - Journal officiel du 17 septembre 2011, p. 15601).

Le 16 septembre 2011, le conseil constitutionnel a rendu une éclairante Décision relative aux questions de l

Décision du conseil constitutionnel relative à la responsabilité des éditeurs de sites internet

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3877 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
 
Cette QPC portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle
 
Cet article prévoit une chaine responsabilité et une pyramide de personnes susceptibles d'engager leur responsabilité juridique au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise.
 
Ce chapitre réprime les crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication tels que :

- La provocation aux crimes et délits ;
 
- Les délits contre la chose publique : l'offense au Président de la République ou à la personne qui exerce tout ou partie des prérogatives du Président de la République ;
 
- Les délits contre les personnes :

  • la diffamation,
  • l'injure,
  • l'atteinte à la présomption d'innocence,
  • l'atteinte à la dignité d'une victime. 

- Les délits contre les chefs d'Etat et agents diplomatiques étrangers : l'outrage envers les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents diplomatiques accrédités près du gouvernement de la République.
 
- Les publications interdites, immunités de la défense :

  • les renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d'agents des douanes appartenant à des services ou unités dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat,
  • les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique,
  • les pièces de procédures concernant les questions de filiation, actions à fins de subsides, procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, procès en matière d'avortement,
  • les informations relatives à l'identité ou permettant l'identification d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié, d'un mineur délaissé, d'un mineur qui s'est suicidé, d'un mineur victime d'une infraction.

Lorsque ces infractions donnent lieu à une diffusion par un moyen de communication au public par voie électronique, sur internet, les responsables poursuivables comme "auteur principal", lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public sont :

- le directeur de la publication ;
 
- le codirecteur de la publication ;
 
- À défaut, l'auteur de l'infraction en personne ;
 
- et à défaut de l'auteur, le producteur. 

En outre, il est important de rappeler que pourront également être poursuivis comme complice :

- l'auteur, lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause,
 
-toute personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ou qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.
 
Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel [ex: blog, forum de discussion], le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message.
 
Selon le requérant, l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle aurait pour effet de créer à l'encontre du producteur d'un service de communication au public en ligne une présomption de culpabilité en le rendant responsable de plein droit du contenu des messages diffusés dans un espace de contributions personnelles dont il est « l'animateur », même s'il en ignore le contenu.

Or, conformément à l'article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

D'autre part, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi pénale en traitant différemment, sans justification, le directeur de la publication et le producteur sur internet.
 
Mais le conseil constitutionnel a décidé que :
 
« la personne qui a pris l'initiative de créer un service de communication au public en ligne en vue d'échanger des opinions sur des thèmes définis à l'avance peut être poursuivie en sa qualité de producteur »

« cette personne ne peut opposer ni le fait que les messages mis en ligne n'ont pas fait l'objet d'une fixation préalable ni l'absence d'identification de l'auteur des messages » ;
 
« le créateur ou l'animateur d'un tel site de communication au public en ligne peut voir sa responsabilité pénale recherchée, en qualité de producteur, à raison du contenu de messages dont il n'est pas l'auteur et qui n'ont fait l'objet d'aucune fixation préalable » ; 

« il ne peut s'exonérer des sanctions pénales qu'il encourt qu'en désignant l'auteur du message ou en démontrant que la responsabilité pénale du directeur de la publication est encourue » ;

« compte tenu, d'une part, du régime de responsabilité spécifique dont bénéficie le directeur de la publication en vertu des premier et dernier alinéas de l'article 93-3 et, d'autre part, des caractéristiques d'internet qui, en l'état des règles et des techniques, permettent à l'auteur d'un message diffusé sur internet de préserver son anonymat, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ».

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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