La règlementation dans le secteur du bâtiment et de la construction ne cesse de se multiplier mais aussi de se complexifier.
En effet, il existe à côté des obligations légales et réglementaires du droit de la construction, des normes dépourvues, en principe, de tout caractère contraignant mais dont la valeur juridique est parfois incertaine.
Par exemple, les règles de l’art correspondent à un ensemble de pratiques ou de règles de savoir-faire technique qui doivent être respectées en toutes circonstances lors de la réalisation d’un ouvrage ou d’une prestation.
Le Document Technique Unifié aussi appelé « DTU » est un document de référence qui codifie un ensemble de règles y compris les règles de l’art sous la forme de normes françaises dont l’objectif est d’harmoniser les techniques de construction au niveau européen.
Ainsi, le DTU s’apparente à un cahier des charges aux termes duquel sont édictées des normes dont le respect garantit la bonne exécution des travaux et la livraison d’ouvrages de qualité.
En effet, le DTU est divisé en trois documents :
- Le cahier des clauses techniques sur les règles de l’art à appliquer ;
- Le cahier des critères généraux de choix des matériaux à utiliser lors de la réalisation de certains ouvrages ;
- Le cahier des clauses administratives spéciales sur les obligations des différentes parties au contrat.
Il existe à ce jour plus de 100 DTU classés en plusieurs domaines d’usages (Exemple : DTU 36.5 pour la pose de menuiserie et DTU 36.1 pour la pose de portes et de fenêtres extérieures)
Chaque DTU est validé par la Commission Générale de Normalisation du Bâtiment.
Les normes issues d’un DTU ne sont pas légalement obligatoires mais peuvent le devenir lorsque leur respect est explicitement prévu par un contrat.
À cet égard, le 10 juin 2021, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les conséquences du non-respect d’un DTU par un professionnel de la construction. (Cass. Civ. 3ème, 10 juin 2021, n°20-15.277)
En l’espèce, une société civile immobilière avait confié la construction de bureaux et d’entrepôts à une société qui avait elle-même fait sous-traiter la réalisation de la charpente à une entreprise tierce spécialisée.
Malgré la bonne réception de l’ouvrage, la toiture d’un des entrepôts s’est affaissée à la suite d’un orage.
Une expertise judiciaire a été diligentée et a permis de relever que la toiture n’était pas en conformité avec une norme DTU.
Toutefois, l’expert a retenu que l’affaissement de la toiture n’était pas la conséquence du non-respect par les professionnels de la norme DTU mais relevait plutôt d’un défaut d’entretien.
Malgré tout, l’acquéreur du bâtiment a demandé la condamnation des constructeurs, assureurs et du bureau de contrôle technique afin d’être indemnisé de ses préjudices.
Les premiers juges ont d’abord rejeté les demandes de l’acquéreur mais la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement et a condamné solidairement les constructeurs, les assureurs et le bureau de contrôle technique au paiement de la somme de 900.000 € aux fins de mise en conformité de la toiture avec la norme DTU.
Un pourvoi en cassation a donc été formé.
A cet égard, la Cour de cassation a jugé que « le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur », sauf en cas de désordres.
Par conséquent, le non-respect d’un DTU qui n’entraine pas de désordre n’est pas de nature à engager la responsabilité contractuelle du professionnel.
Cependant, la Cour de cassation rappelle que le constructeur peut engager sa responsabilité contractuelle lorsque le respect du DTU a été contractuellement prévu.
Ainsi, dans l’hypothèse où le respect de la norme n’aurait pas été explicitement prévu au contrat, la responsabilité délictuelle peut être engagée aux conditions classiques : un dommage, une faute et un lien de causalité.
- L’existence d’un dommage : le « désordre » consistait en l’affaissement de la toiture ;
- Le lien de causalité : c’est cette condition qui n’était pas remplie en l’espèce puisque le désordre provenait d’un défaut d’entretien ;
- L’existence d’une faute : cet arrêt est particulièrement intéressant car il ne permet ni d’inclure ni d’exclure de manière systématique et certaine les normes DTU dans le champ des règles de l’art.
En effet, il reste à savoir, quelle aurait été la solution de la Cour de cassation si le défaut de respect des normes avait été à l’origine du dommage.
Cet arrêt laisse penser que la Cour de cassation penche clairement vers une responsabilisation grandissante des professionnels de la construction en cas de non-respect des normes DTU.
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Anthony Bem
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