Sans dépendance économique, il ne peut y avoir d'abus de dépendance.
Or, l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa version applicable au cas présent, dispose que :
« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : b) d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées… »
La dépendance économique ne peut résulter que de l'impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées, soit en qualité de client, soit en qualité de fournisseur avec une autre entreprise.
L'existence d'une situation de dépendance économique s'apprécie donc en fonction de cinq critères cumulatifs :
- la notoriété de la marque ou/et du produit ;
- la part de marché du fournisseur ;
- la part représentée par les produits du fournisseur dans le chiffre d'affaires du distributeur ;
- l'absence de solution équivalente ou alternative ;
- la dépendance économique ne doit pas provenir de choix stratégique de la victime du comportement dénoncé mais faire suite à des des facteurs extérieurs.
En l'espèce, une société à été le sous-traitant de la société de transport DHL dans la région des Côtes d'Armor.
La société DHL lui a notifié la rupture de leurs relations contractuelles avec un préavis de trois mois et la société de fret a été mise en liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire du sous traitant a assignée la société DHL en paiement afin d'obtenir la condamnation de cette dernière société au règlement du passif déclaré à la liquidation et de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de survie, notamment pour abus de dépendance économique.
Selon les premiers juges « l'état de dépendance économique pour un distributeur se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à l'un de ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiquement comparables ».
Cependant, les juges d'appel ont retenu que parmi les cinq critères constitutifs de la dépendance économique, à savoir la part de l'entreprise dans le chiffre d'affaires de son partenaire, la notoriété de la marque, l'importance de la part de marché de ce partenaire, l'existence ou non de solutions alternatives et les facteurs ayant conduit à la situation de dépendance économique (choix stratégique ou obligé de la victime du comportement dénoncé), seul le critère de la notoriété de la marque était rempli en l'espèce.
La cour d'appel a rejeté la demande d'indemnisation après avoir relevé que le sous-traitant, qui avait déjà d'autres clients, pouvait encore élargir sa clientèle, aucune clause d'exclusivité ne l'en empêchant.
En outre, les juges d'appel ont estimé que même si la société DHL est leader dans le domaine des transports et du fret, sa part de marché dans les Côtes d'Armor et le Morbihan n'est pas dominante.
La cour de cassation a confirmé la position des juges du fond en posant le principe selon lequel : « l'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise ».
Dans ce contexte, la Haute juridiction a considéré qu'en « l'absence d'obstacle juridique ou factuel à la faculté de diversification de la société ... cette société n'était pas en situation de dépendance économique ».
Ainsi, lorsqu'aucune exclusivité n'est exigée d'une entreprise, il lui appartenait de diversifier sa clientèle pour anticiper une rupture toujours possible des relations commerciales au risque de ne pas se voir indemniser des préjudices subis de la situation de dépendance économique.
Il découle de cette décision que la relation de dépendance économique est caractérisée dès lors qu'il est établi qu'une entreprise se trouve dans l'impossibilité de substituer à son donneur d'ordre un ou plusieurs autres donneurs d'ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables.
La relation de dépendance économique suppose obligatoirement une absence de solution alternative équivalente et la seule circonstance qu'un distributeur réalise une part importante, voire exclusive de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce précité.
Or, la possibilité de disposer d'une solution équivalente s'entend de la possibilité juridique mais aussi matérielle pour l'entreprise de développer des relations contractuelles avec d'autres partenaires.
Il semble donc que l'impossibilité de disposer d'une solution alternative ne puisse naître d'une simple impossibilité de fait due aux conditions de travail imposées par le donneur d'ordre au sous-traitant.
Par conséquent, au travers de cette décision, les juges imposent aux entreprises de contracter avec d'autres partenaires afin de ne pas dépendre uniquement d’une seule entreprise lorsque c’est possible.
Enfin, il est important de rappeler qu'outre l'abus de dépendance économique le préjudice né de la rupture des relations commerciales établies peut être indemnisé en cas de non respect d'un préavis suffisant compte tenu de l'ancienneté et de l'importance de ces relations.
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Anthony Bem
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