Pour mémoire, la clause résolutoire désigne une clause par laquelle les parties à un contrat de location décident que celui-ci sera résolu de plein droit en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations.
La clause résolutoire permet ainsi d’éviter le recours au juge exigé par l’article 1184 du code civil pour obtenir la mise en jeu de la condition résolutoire résultant des contrats synallagmatiques en cas d’inexécution.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la clause résolutoire est particulièrement appréciée par les bailleurs souhaitant se prémunir contre les risques de loyers impayés de la part de leurs locataires particuliers ou professionnels.
En effet, la clause résolutoire prévoit généralement qu’en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations contractuelles et notamment en cas de défaut de paiement des loyers, le bailleur est en droit de faire résilier le bail.
Toutefois, la clause résolutoire ne peut jouer qu’après une mise en demeure adressée au locataire.
En matière de bail d’habitation, c’est l’alinéa 1er de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 qui pose cette exigence en ces termes :
« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. »
L’alinéa 3 du même article rajoute que :
« Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux articles 1244-1 (premier alinéa) et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.(…) »
Il est tout de même important de souligner que, dans sa rédaction initiale, l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précisait en son alinéa 2 que le locataire qui voulait obtenir des délais de paiement devait saisir le juge « avant l'expiration » d’un délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement de payer.
A défaut, le locataire était forclos, c’est-à-dire qu’il ne pouvait plus agir après l’expiration du délai de deux mois. (Cass. Civ. III, 18 mai 1994, n° 92-20298).
Cependant, depuis lors, le régime de la clause résolutoire a bien changé, plus particulièrement avec la loi du 29 juillet 1998 qui a reconnu au juge un pouvoir d'appréciation en la matière.
Ce pouvoir donne au juge le droit d'accorder des délais de paiement, même d'office, au locataire, alors même que la clause est en principe réputée acquise deux mois après que le commandement de payer soit resté infructueux, comme le précise l'alinéa 1er du texte précité.
Il en résulte implicitement que le locataire peut saisir le juge même après l'expiration du délai de deux mois, puisque l'article 24 ne prévoit plus que le locataire doit saisir le juge avant un certain délai.
C’est précisément cette analyse qui a été mise en œuvre par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 février 2011 qui a validé une demande formulée pour la première fois en appel. (Cass. Civ. III, 16 février 2011, n° : 10-14945)
En l’espèce, un immeuble à usage d’habitation a été donné en location.
Confronté au non-paiement de loyers par la locataire, les bailleurs ont délivré à cette dernière un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat, puis l’ont assignée aux fins de faire constater l’acquisition de cette clause.
Reconventionnellement, en cause d’appel, la locataire a sollicité des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.
La cour d’appel a déclaré cette demande reconventionnelle irrecevable, au motif que la locataire était tenue de saisir le juge dans les deux mois qui avaient suivi la délivrance du commandement de payer, délai qu’elle n’avait pas respecté.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en considérant « qu’aucun délai n'est imposé au preneur pour saisir le juge d'une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire».
Rappelons qu’une décision identique, non publiée au Bulletin, avait été déjà rendue dans un arrêt qui avait retenu que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 « n'impose aucun délai au preneur pour saisir le juge d'une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ». (Cass. Civ. 3, 17 décembre 2002, n°: 01-12532)
La décision commentée consacre donc le principe selon lequel aucun délai n'est imposé au locataire pour demander des délais de paiement ou une suspension de la clause de résiliation au juge.
Concrètement, cela signifie que le locataire n’est pas obligé de prendre l’initiative d’une action judiciaire tendant à l’octroi de délais de paiement ou la suspension de la clause résolutoire.
Il peut ainsi attendre de recevoir l’assignation que le bailleur lui fera délivrer, et, reconventionnellement, devant le juge, solliciter des délais de paiement et une suspension des effets de la clause résolutoire.
Et même dans le cas où le locataire n’introduit aucune demande, le juge peut, d’office, lui accorder des délais de paiement.
Il est à noter que cette solution s’applique même lorsqu’il s’agit d’un bail commercial, comme en témoigne un jugement rendu le 30 octobre 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 30 octobre 2012, n° RG : 11/7967).
Dans cette dernière affaire, le tribunal a jugé que le preneur à bail commercial pouvait valablement demander des délais de grâce au juge et obtenir de sa part qu’il suspende rétroactivement les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail, tant que la résiliation du bail n’avait pas été constatée par une décision ayant autorité de chose jugée et dès lors que le juge n’avait pas accordé au locataire des délais de grâce qu’il n’aurait pas respectés.
En conclusion, il convient de garder en mémoire que tant qu'une décision de justice définitive (au fond) n'a pas été rendue quant à l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans un bail d’habitation ou un bail commercial, le locataire peut, avec l’aide d’un avocat spécialisé, obtenir l’octroi de délais de paiement ainsi que la suspension de la clause de résiliation du bail.
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Anthony Bem
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