Dans un souci de protection des emprunteurs et des cautions, la loi et la jurisprudence mettent à la charge du banquier dispensateur de crédit plusieurs obligations, notamment des obligations d’information, de conseil et de mise en garde.
A titre d’exemple, le banquier est tenu d’une obligation de mise en garde qui implique que :
- il attire l’attention des emprunteurs et cautions sur les risques de l’opération envisagée ;
- il vérifie que les engagements pris par les emprunteurs et cautions soient bien compatibles avec leurs revenus, situation patrimoniale et capacité financière.
En cas de manquement du banquier à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde, l’emprunteur et éventuellement la caution peuvent obtenir la condamnation de la banque pour faute, l’octroi d’une indemnisation des préjudices subis et demander la compensation des dommages et intérêts obtenus avec les sommes dues à la banque.
Cependant, l’action en responsabilité doit être intentée avant l’expiration du délai de prescription de 5 ans et, pour ce faire, il est nécessaire de connaître la date du point de départ du délai de prescription.
Selon la jurisprudence, le délai de « la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’octroi des crédits ». (Cass. Com., 26 janvier 2010, n°08-18.354)
En d’autres termes, le délai de 5 ans de la prescription de l’action en responsabilité contre le banquier dispensateur de crédit court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance avant.
Dans l’arrêt précité, le point de départ de la prescription correspondait donc à la conclusion du contrat de prêt.
Cependant, des difficultés peuvent se présenter lorsque le dommage dont se prévaut la victime apparait dans le cadre d’un montage financier complexe, tel qu’un contrat de prêt in fine adossé à un contrat d’assurance-vie.
Pour mémoire, dans le cadre d’un contrat de prêt in fine adossé à un contrat d’assurance-vie, l’emprunteur ne rembourse que les intérêts pendant la durée du prêt, les fonds investis sur l'assurance-vie permettant de rembourser le capital emprunté à l'échéance du prêt.
Le prêt in fine est donc remboursé par le produit d'un contrat d'assurance-vie affecté en garantie de celui-ci.
En présence d’un tel montage, le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre le prêteur pose nécessairement problème.
Le Tribunal de Grande Instance de Versailles a jugé, le 5 février 2013, le cas d’une personne qui souhaitait acquérir des appartements dans le cadre d’un investissement locatif, dont la banque avait proposé d'emprunter la totalité du prix d'acquisition des appartements au moyen d'un prêt in fine et d'adosser cet emprunt à un contrat d'assurance-vie, sur lequel les disponibilités du client étaient déposées.
Le montage ayant été mis en place, l'emprunteur souscripteur a déposé sur le contrat d'assurance-vie une certaine somme et a ensuite délégué à la banque sa créance au titre du contrat d'assurance-vie et a signé un contrat de prêt.
Par la suite, le client a assigné la banque en responsabilité pour avoir manqué à son devoir de mise en garde et de conseil en lui proposant un tel montage financier, alors que son besoin de financement se limitait à une somme bien inférieure à celle du montage.
La banque a soulevé la prescription de l'action, le point de départ du délai de prescription de 10 ans devant courir, selon elle, à compter de la date de signature du contrat de prêt et a demandé que le client soit débouté de toutes ses demandes.
Le TGI de Versailles a rejeté l’argumentation de la banque, en jugeant que le dommage était apparu au terme du contrat de prêt, date à laquelle la valeur du contrat d'assurance-vie devait permettre à l'emprunteur de rembourser l'intégralité de son prêt, de sorte que l'action de ce dernier n'était donc pas prescrite.
En conséquence, la banque a été condamnée pour manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde sur un montage complexe et particulièrement risqué.
Ainsi, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contre le prêteur est retardé au jour où l’emprunteur a eu connaissance ou éventuellement au jour où il aurait dû avoir connaissance du dommage résultant de la réalisation d'un risque contre lequel il n'avait pas été mis en garde ou d'un défaut de conseil sur le caractère inadapté du montage au regard de sa situation.
Cette situation est à distinguer de celle où l’on est en présence d’une opération unitaire telle que la conclusion d’un contrat de prêt et où, en cas de manquement par la banque à son devoir de conseil ou de mise en garde, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat (Cass. Com., 26 janvier 2010, n°08-18.354, précité).
Toutefois, aux termes d’un autre arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a retenu une solution relativement différente en considérant que la prescription de l'action en responsabilité pour l'octroi d'un prêt malgré une incapacité manifeste à faire face au remboursement, débute au jour où le dommage s'est révélé à l'emprunteur, soit lors des premières difficultés de remboursement. (Cass. Civ. I, 9 juillet 2009, n° 08-10820)
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre la banque diffère selon que l’on est en présence d’une opération unitaire telle que la conclusion d’un prêt ou en présence d’une opération plus complexe telle que l’association d’un prêt à un contrat d’assurance-vie.
Il importe dès lors pour les clients souhaitant engager la responsabilité de leur banque d’être assistés d’un avocat spécialisé afin de les conseiller utilement et, le cas échéant, d’introduire l’action en responsabilité dans les délais, sous peine de se voir opposer la prescription et de voir leurs demandes d’indemnisation rejetées.
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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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