Pour mémoire, selon l’article 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972, le démarchage juridique est : « le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ».
Concrètement, une personne peut être démarchée de plusieurs façons.
Une première méthode peut consister à cibler un justiciable qui a affaire ou risque d'avoir affaire à la justice et de lui proposer ses services oralement, et, au besoin, en dénigrant plus ou moins ouvertement l’avocat qu’il a déjà pu choisir.
Un second exemple de démarchage est le fait de rendre visite au client potentiel, dont on sait qu'il pourrait avoir besoin d'un avocat, par exemple, en lisant les articles de presse relatifs aux accidents et en adressant aussitôt aux victimes, ou à leurs proches, des offres de service, sous le couvert de tiers complices ou d'associations censées avoir pour seul objet la défense des victimes.
Toutes ces formes de démarchages sont cependant interdites aux avocats.
En effet, l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que :
« Sera puni des peines prévues à l'article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique.
Toute publicité aux mêmes fins est subordonnée au respect de conditions fixées par le décret visé à l'article 66-6. »
Ces peines auxquelles s’exposent les avocats qui pratiquent le démarchage sont une amende de 4 500 euros et, en cas de récidive, une amende de 9 000 euros et un emprisonnement de 6 mois ou l'une de ces deux peines seulement.
En outre, l’alinéa 3 de l'article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 rajoute que : « Toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l'avocat ».
Enfin, l’article 10-2 du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat interdit tout acte de démarchage aux avocats.
Par conséquent, l'avocat qui pratique le démarchage se rend l'auteur d’une infraction pénale, mais aussi d'une faute disciplinaire l'exposant à comparaître devant le conseil de discipline.
Néanmoins, si le démarchage est prohibé, « la publicité est permise à l'avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession » (article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005).
Ainsi, rédiger des articles sur un blog juridique ou participer à une émission de télévision est autorisé, mais écrire une lettre personnalisée aux clients pour leur présenter ses compétences ne l'est pas.
Pour être autorisée, la publicité doit toutefois être exclusive de toute forme de démarchage, ce qui n’est pas forcément simple, car la frontière entre les deux est ténue notamment à l’heure d’un internet global et généralisé.
C’est ainsi qu’aux termes d’un arrêt du 21 juin 2005, la Cour de cassation a condamné l’Association d’aide aux victimes d’erreurs médicales (AAVAC) qui avait ouvert un site internet à l’intention des victimes de la catastrophe survenue en septembre 2001 au sein des établissements AZF.
En l’espèce, la Cour de cassation a approuvé les juges d’appel d’avoir constaté que sur son site internet l’AAVAC proposait à ses adhérents d’étudier leurs dossiers d’indemnisation, de se prononcer sur les offres transactionnelles faites par les assureurs, de négocier des réparations et de les conseiller sur les voies de recours envisageables et d’en avoir déduit une situation manifestement illicite de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes en matière juridique. (Cass. Civ 1, 21 juin 2005, n° 03-13633).
Il en résulte donc que, même si les avocats peuvent s’adonner à la publicité, ils doivent veiller à respecter l’interdiction de démarchage.
Cette situation devrait cependant évoluer sous peu, sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE).
En effet, aux termes d’un arrêt du 5 avril 2011, la CJUE a jugé que :
« l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d’une profession réglementée, telle que la profession d’expert-comptable, d’effectuer des actes de démarchage ». (CJUE, 5 avril 2011, aff. C-119/09, Sté fiduciaire nationale d’expertise comptable c/Min. budget, Comptes publics et Fonction publique).
Si en l’espèce était en cause l’article 12 du Code de déontologie de l’expertise comptable qui interdit à ses membres d’effectuer toute démarche non sollicitée en vue de proposer leurs services à des tiers, l’arrêt de la Cour de justice pourrait également s’appliquer à la profession d’avocat.
Suite à cette décision, le gouvernement français a décidé de mettre sa réglementation en conformité avec les exigences européennes.
C’est ainsi que, le 7 septembre 2013, par le biais d’un amendement présenté par le gouvernement, un article additionnel a été inséré après l’article 5 ter du projet de loi « Consommation ».
Cet article additionnel est ainsi rédigé :
L’article 3 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée ».
« Toute prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fait l’objet d’une convention d’honoraires. »
Ainsi, les avocats vont pouvoir démarcher personnellement leurs futurs clients en les sollicitant personnellement.
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Anthony Bem
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