La dénonciation calomnieuse et la présomption de fausseté des faits dénoncés

Publié le Modifié le 23/11/2017 Vu 48 352 fois 0
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La dénonciation calomnieuse est une infraction pénale qui suppose soit que la victime puisse se prévaloir d’une présomption de fausseté des faits dénoncés, soit qu’elle prouve que les faits dénoncés soient faux. Or, il est impossible de prouver l’absence de réalisation d’un fait qui ne s’est pas réalisé.

La dénonciation calomnieuse est une infraction pénale qui suppose soit que la victime puisse se prévaloir d

La dénonciation calomnieuse et la présomption de fausseté des faits dénoncés

Le 30 juin 2011, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé que les présomptions prévues par les lois répressives doivent être enfermées « dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense ».

Pour mémoire, l'article 226-10 du code pénal tel que rédigé à l'époque des faits disposait que :

« la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ».

La condamnation pour dénonciation calomnieuse supposait donc que les juges déclarent non coupable, même au bénéfice du doute, la personne visée par la plainte pénale.

Ainsi, toutes les fois où les enquêteurs ne disposaient pas de suffisamment de preuves matérielles de la véracité des faits reprochés, l’auteur « présumé » pouvait engager une procédure pénale contre la victime « présumée » sur le fondement de la dénonciation calomnieuse.

Cependant, ce texte a été modifié par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

L'article 226-10 du code pénal dispose désormais :

« la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ».

En d'autres termes, le législateur a voulu que les non-lieu pour insuffisance de charges ne permettent pas de présumer la fausseté du fait dénoncé ou restreindre l'étendue de la présomption de fausseté du fait dénoncé car l'impossibilité.

Ainsi, dorénavant, les personnes à l'origine de plaintes pénales, déposées pour n'importe quelle infraction pénale, ne pourront pas être condamnées pour dénonciation calomnieuse à défaut de décision de justice d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu établissant que l'infraction dénoncée n'a jamais existé.

En l'espèce, une personne a fait l'objet d'une information judiciaire du chef d'agressions sexuelles et de viols.

L'enquête a été clôturée par une ordonnance de non-lieu pour insuffisance de charges.

Aux termes de son ordonnance, le juge d'instruction indique qu'il n'a pas été possible "d'établir la véracité des accusations" et qu'il n'existe pas "de charges suffisantes" contre le prévenu.

La personne innocentée a donc poursuivi la plaignante pour dénonciation calomnieuse devant le tribunal correctionnel.

La plaignante est déclarée coupable et condamnée à de la prison avec sursis outre le paiement de dommages-intérêts et le remboursement des frais de procédure au bénéfice de la personne dénoncée.

Le tribunal a appliqué la loi de l'époque en retenant que la fausseté du fait dénoncé résulte de la décision de non lieu.

En vain, la plaignante a interjeté appel et formé pourvoi devant la cour de cassation.

Aux termes d'un arrêt du 25 mars 2003, la chambre criminelle de la cour de cassation a jugé qu' « en cas de décision définitive d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée, les juges ne peuvent pas apprécier la pertinence des accusations portées ». (Cass. Crim., 25 mars 2003, N° de pourvoi: 02-80569).

Puis, la CEDH a relevé que la décision de non-lieu se fondait sur l'insuffisance de charges à l'encontre du suspect « ne permettant pas […] de se forger davantage de certitude ».

La CEDH considère qu'en présence d'un non-lieu prononcé pour insuffisance de charges, au bénéfice du doute, les juridictions répressives auraient dû écarter la présomption de fausseté.

Or, la présomption de fausseté des faits dénoncés est essentielle pour la poursuite pénale de la dénonciation calomnieuse au risque, à défaut, de priver la victime de toute action à défaut de preuve possible à rapporter.

Cependant, le principe de la présomption d'innocence de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute présomption légale de culpabilité pesant sur la personne du prévenu ne doit pas dépasser des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense.

La CEDH a ainsi jugé que :

« dans ces conditions, la requérante n'a pas pu bénéficier d'un procès équitable et de la présomption d'innocence. Partant, il y a eu violation de l'article 6§1 et 2 de la Convention ».

Il conviendra donc de suivre l'application jurisprudentielle du nouveau texte à la lumière de l'arrêt rendu par la CEDH pour savoir si cette infraction pénale est encore envisageable concrètement.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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