Il existe un principe important en droit des successions selon lequel, avant de procéder à la liquidation d’une succession et d’en déterminer l’actif et le passif, il est nécessaire de liquider le régime matrimonial du défunt.
Pour liquider le régime matrimonial du défunt on prend en compte, selon les situations, le contenu du contrat de mariage du défunt ainsi que les avantages matrimoniaux consentis.
Le code civil prévoit un régime juridique particulier concernant les avantages patrimoniaux dont ont pu bénéficier les époux avant le décès de l'un d'eux, à l'égard des autres héritiers.
Ce régime juridique a évolué récemment.
Ainsi, l'article 829 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, prévoyait que les dettes dont un héritier est tenu envers la succession ou l'indivision consécutive à l'ouverture de celle-ci donnent lieu à rapport à la succession ou l'indivision ( la notion de rapport des dettes à été abandonnée par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités).
Le terme "rapport" doit s'entendre comme un synonyme de restitution.
L'article 864 du code civil, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, dispose que :
« Lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse.
A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l'obligation. »
En d'autres termes, la dette d'un héritier envers le défunt se compense avec les droits de cet héritier dans la succession, sauf à ce que ses droits soient d'un montant inférieur à la dette de sorte que l'heritier doive le règlement de la différence à la succession.
De même, l'article 1527, du code civil, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 dispose que :
« Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre " Des donations entre vifs et des testaments ", sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit.
Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l'avantage matrimonial excessif avant le décès de l'époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège sur les meubles prévu au 3° de l'article 2374 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'état des immeubles. »
En l'espèce, par acte authentique Serge X et son épouse, Marthe Y, mariés sous le régime conventionnel de la communauté de bien réduite aux acquêts, ont consenti un prêt à leur fils, Noël X.
Serge X est décédé en laissant à sa succession sa veuve et leurs trois enfants, Messieurs Noël et Jacky X et Mme Marie-José X, épouse Z.
Dans le cadre de l'instance en liquidation-partage de la succession, M. Jacky X a demandé que son frère Noël rapporte à la succession les sommes dues en remboursement du prêt consenti par leur défunt père.
Les premiers juges se sont accordés à considérer que M. Noël X devra rapport à la succession de son père de la moitié du capital augmentée des intérêts calculés selon les termes du contrat.
En effet, s'agissant d'une créance commune, Marthe Y en est titulaire en propre par l'effet de la convention matrimoniale, les juges ont retenu que constituant une donation pour moitié, la somme due est rapportable à la succession.
Mais la cour de cassation a censuré l'arrêt rendu le 3 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai, en considérant que seule l'épouse survivante était créancière de M. Noël X et non la succession de M. Serge X.
Ainsi, M. Noël X n'était pas débiteur de la succession de son père et sa dette ne pouvait faire l'objet d'un rapport dans la succession de son père.
Par voie de conséquence, M. Noël X ne devra pas rapporter à la succession de son père de la moitié du capital augmentée des intérêts calculés selon les termes du contrat.
Pour résumer, les prêts consentis par un des parents à un enfant, avec des deniers issus de la communauté, ne peuvent pas donner lieu, au cours de l’instance en liquidation-partage de la succession d'un des donateurs, au rapport à la succession.
En effet, à la suite de la dissolution du régime matrimonial du fait du décès de l’époux et de l’avantage matrimonial légalement prévu en faveur du conjoint survivant, l'époux survivant devient seul créancier du remboursement de la dette.
Ce ne sera qu'à la suite du décès de l'époux survivant que les héritiers pourront se prévaloir, le cas échéant, du rapport de l’intégralité de la dette, sous réserve des dispositions de dernières volontés du dernier époux défunt.
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Anthony Bem
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