Devoir de conseil patrimonial et obligation d’information fiscale du « vendeur » d’assurance vie

Publié le 03/02/2014 Vu 8 443 fois 0
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Les « vendeurs » de contrat d’assurance vie sont-ils tenus au respect d’un devoir de conseil patrimonial et d'une obligation d’information fiscale envers le souscripteur ?

Les « vendeurs » de contrat d’assurance vie sont-ils tenus au respect d’un devoir de conseil patrimonial

Devoir de conseil patrimonial et obligation d’information fiscale du « vendeur » d’assurance vie

Le 3 octobre 2013, la Cour de cassation a jugé que faute de respecter leur devoir de conseil patrimonial et l’obligation d’information fiscale envers le souscripteur les « vendeurs » de contrat d’assurance vie engagent leur responsabilité envers leur client et peuvent être condamnés au paiement de dommages et intérêts à titre d’indemnisation des préjudices subis. (Cass. Civ. II, 3 octobre 2013, N° de pourvoi: 12-24957)

Le contrat d’assurance vie permet au souscripteur de valoriser son capital, mais aussi de transmettre ce capital dans des conditions avantageuses fiscalement et d’un point de vue successoral.

En l’espèce, Monsieur X alors âgé de soixante et onze ans, a souscrit au bénéfice de sa concubine, Madame Y, un contrat d’assurance sur la vie sur lequel il a versé le jour même de son ouverture la somme de 500 000 francs (soit environ 80.000 €)

Suite au décès de l’assuré, lors des démarches entreprises en vue d’obtenir la remise de ces fonds, la bénéficiaire a appris que le montant des primes versées, après les soixante dix ans de Monsieur X, devait être déclaré à l’administration fiscale en application de l’article 757 B du code général des impôts et donnait lieu au paiement d’un d’impôt important.

Le régime fiscal appliqué à l’intéressée a été le suivant : sur le montant de 110.000 €, les droits fiscaux ont été calculés à hauteur de 60%, uniquement sur 80.000 € après un abattement légal de 30.000 €.

Soit 35.000 € d’impôt non prévus.

Dans ce contexte, la bénéficiaire a assigné l’assureur devant un tribunal de grande instance, en paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil et d’information.

Les juges d’appel et de cassation ont condamné l’assureur à payer au bénéficiaire la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’exploit introductif d’instance, outre diverses sommes au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d’appel.

Afin de juger que l’assureur avait failli à son obligation d’information et de conseil envers le souscripteur et confirmer l’existence d’un préjudice subi par le bénéficiaire au titre de la perte de chance, la cour de cassation a considéré que :

« s’il est constant que Guy X a reconnu, lors de la signature de la demande de souscription, avoir reçu un exemplaire des conditions générales valant note d’information et comportant un modèle de lettre de renonciation, aucun de ces documents n’expose cependant la teneur de la règle fiscale applicable à l’âge de soixante dix ans ou celui-ci dépassé, ni même ne mentionne le seuil de cet âge ; que la note d’information se limite à renvoyer à : « la fiscalité qui s’applique à votre contrat est la fiscalité française de l’assurance-vie » sans même évoquer l’article 757 B du code général des impôts ; que dans ces conditions, l’organisme Ecureuil Vie était tenu d’éclairer son client sur l’adéquation du produit en cause à sa situation personnelle de souscripteur et à ses objectifs de transmission de son capital ; que la seule remise d’une notice valant conditions générales dans lesquelles il n’était mentionné aucune information précise sur la fiscalité et sur les conditions de mise en œuvre des droits de mutation à prévoir ne suffisait pas; qu’en venant souscrire un contrat d’assurance-vie à soixante et onze ans, Guy X... ne pouvait que souhaiter faire bénéficier sa compagne des avantages fiscaux les plus importants possibles pour la transmission de son capital ; qu’il appartenait, dès lors, à l’organisme en cause de le mettre en garde sur l’impossibilité de bénéficier de cet avantage ; que la CNP a fait perdre à Guy X une chance d’agir autrement pour gérer son épargne et pour trouver une solution plus favorable pour sa compagne pour assurer la transmission de son capital, ce dont Mme Y... a subi directement les conséquences, ayant eu à régler des droits de mutation »

Aux termes de cette décision, les professionnels de l’assurance-vie doivent pouvoir prouver qu’ils ont bien respecté :

  • leur obligation de conseil en patrimoine : « éclairer son client sur l’adéquation du produit en cause à sa situation personnelle de souscripteur et à ses objectifs de transmission de son capital »

  • leur obligation de conseil fiscal : « aucune information précise sur la fiscalité et sur les conditions de mise en œuvre des droits de mutation à prévoir ». Ainsi, l’assureur sur la vie doit obligatoirement éclairer le souscripteur sur la solution fiscale la plus favorable et plus particulièrement le régime fiscal des primes d’un contrat d’assurance-vie versées après 70 ans, le cas échéant. Cette obligation de conseil ne sera respectée par les professionnels de l’assurance-vie si le régime fiscal applicable aux produits qu’ils commercialisent n’est pas explicitement apparent et compréhensible dans leur documentation contractuelle.

A défaut d’avoir respecté ces deux obligations, l’assureur sur la vie fait perdre à son client une chance d’agir autrement pour gérer son épargne et trouver une solution plus favorable pour assurer la transmission de son capital et engage donc sa responsabilité.

De plus, il est intéressant de relever que selon les juges :

  • par défaut, le souscripteur a été victime d’une perte de chance d’obtenir une solution plus favorable pour la gestion de son épargne et la transmission de son capital à sa compagne, sans que ces solutions n’aient à être envisagées ;

  • les droits de mutation (les impôts) dus par les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie peuvent constituer une perte de chance indemnisable

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