L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 vient réformer le droit des sûretés afin de « rendre son régime plus lisible et d'en améliorer l'efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique ». (Article 60, I, 1° de la loi PACTE)
Pour mémoire, l’acte de cautionnement est juridiquement une sûreté personnelle, c’est-à-dire une garantie aux termes de laquelle une personne se porte caution envers un créancier et s’engage à régler la dette d’une société ou d’un tiers en cas de défaillance.
Dès lors, les personnes qui se portent caution prennent le risque d’être poursuivies en justice et de voir leur patrimoine personnel engagé.
La loi prévoit donc des règles protectrices envers les cautions telles que l’obligation de leur faire rédiger manuscritement une formule précise qui atteste qu’elle a bien pris connaissance de la nature et de l’étendue de leur engagement. (Ancien article L341-3 du code la consommation et article 2297 nouveau du code civil)
De plus, la jurisprudence de la cour de cassation impose aux banques le respect d’un devoir de mise en garde vis-à-vis des cautions non averties ou profanes sur :
- les risques d’endettement personnel qu’elle encourt ;
- les risques d’incapacité financière de la société emprunteuse principale à pouvoir faire face à ses échéances de remboursement de l’emprunt.
La qualité de caution profane ou non avertie s’apprécie par les juges en tenant compte du profil de la caution notamment de sa formation, son âge, son expérience professionnelle, ses connaissances ou ses compétences en matières financières et bancaires.
Concrètement, cela oblige la banque à se renseigner tant sur le profil de la caution que sur sa solvabilité ainsi que sur celle de la société emprunteuse principale puisqu’elle sera tenue, en cas de litige, de prouver qu’elle a bien respecté ses devoirs de mise en garde vis-à-vis de la caution.
Or, en pratique, les banques rapportent rarement la preuve de ces diligences.
Ainsi, la caution profane ou non avertie peut souvent se prévaloir utilement de la faute de l’établissement de crédit qui a manqué à son obligation de mise en garde sur les risques d’endettement excessif né de son engagement de caution ainsi que des risques d’endettement de la société emprunteuse principale né de la souscription d’un prêt inadapté à ses capacités financières.
Dans ce cas, la caution peut solliciter la condamnation de la banque à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice subi qui s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter le cautionnement litigieux. (Cass. Com. 20 octobre 2009, 08-20.274)
Il s’agit d’un moyen de défense efficace de la caution poursuivie au paiement de sa dette puisque les dommages et intérêts qui lui sont alloués se compensent directement avec le montant de sa dette et peuvent la réduire, voire l’annuler le cas échéant.
En effet, la Cour d’appel de Rennes a déjà eu l’occasion d’évaluer le préjudice résultant du manquement au devoir de mise en garde de la banque à hauteur de 90% des sommes dues. (Cour d’appel de Rennes, 7 janvier 2011, n°09/03765)
Il aura cependant fallu attendre la réforme du 15 septembre 2021 pour que soit codifié le devoir de mise en garde du créancier à l’égard de la caution au sein du nouvel article 2999 du code civil qui dispose que :
« Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
À défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. »
Cette nouvelle disposition s’applique aux cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022.
Il convient de souligner avec intérêt que ce nouvel article met fin à un abondant contentieux sur la qualité de caution avertie ou non avertie.
Désormais, toutes les cautions personnes physiques pourront se prévaloir du devoir de mise en garde qui incombe aux créanciers professionnels et aux banques.
Il ne sera donc plus nécessaire de démontrer la qualité de profane ou non avertie de la caution afin de se prévaloir d’un manquement au devoir de mise en garde des créanciers professionnels et des banques.
Ensuite, cet article met fin à la dualité du devoir de mise en garde qui préexistait.
En effet, la banque sera seulement tenue de mettre en garde la caution sur le caractère inadapté du prêt souscrit par la société emprunteuse principale à ses capacités financières.
Concrètement, la banque ne pourra pas obtenir le paiement de la totalité du montant de la dette à l’encontre de la caution et il appartiendra aux juridictions de déterminer la manière objective de calculer le montant de l’indemnisation au titre des préjudices qu’elle a subis pour diminuer, voire effacer sa dette.
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Anthony Bem
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