Pour mémoire, l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définie comme un délit de presse la diffamation constituée par :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».
Le délit de diffamation suppose donc la réunion des 4 conditions cumulatives suivantes :
- des propos portant sur l’allégation de fait précis ;
- la mise en cause d’une personne déterminée ou identifiable (qui, même si elle n'est pas expressément désignée, peut être clairement identifiée) ;
- une atteinte à l’honneur ou à la considération de cette personne ;
- le caractère public des propos litigieux (radio, Tv, presse écrite, blog, forum de discussion, réseau social, réunion publique, assemblée, etc ...).
Cependant, l’auteur des propos prétendument diffamatoires peut apporter la preuve de sa « bonne foi » en prouvant que :
- d'une part, il disposait d’élément suffisant pour croire à la vérité des faits relatés ;
- d'autre part, les propos visent à informer et non à nuire, selon une certaine proportionnalité et prudence.
Par ailleurs, s'agissant de la liberté d’expression des hommes politiques, la jurisprudence de la cour européenne reconnaît que :
« les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier » dès lors qu’il « s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens, et doit montrer une plus grande tolérance » (CEDH CEDH 8 juill. 1986, Lingens c. Autriche, req. no 9815/82 ; CEDH 23 mai 1991, Oberschlik c. Autriche, req. no 11662/85).
La question de la bonne foi est donc primordiale pour appliquer ou non le délit de diffamation à l'encontre de l'auteur de propos susceptibles de porter atteinte à l'honneur, la considération ou la réputation.
Les deux dernières jurisprudences rendues par la cour de cassation concernant des hommes politiques leur reconnaissent le bénéfice de la bonne foi.
1ere Affaire : Cass. Crim., 19 janvier 2010, N° de pourvoi: 09-84408
En l'espèce, un conseiller municipal a critiqué publiquement certains aspects de la politique du maire de Corbeil-Essonnes (91), en particulier au travers d'imputations de :
- " favoritisme " au profit de la société Bouygues Immobilier,
- mise en danger de la population,
- " mise en faillite " de la commune,
- présentation d'un budget insincère.
Le maire a fait citer directement le conseiller municipal, devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public.
Les juges d´appel ont débouté le maire de ses demandes en considérant que si les imputations précitées sont diffamatoires envers le maire, les critiques sont argumentées, reposent sur des faits précis, et s'inscrivent dans le contexte d'un débat politique au sein de la ville de Corbeil-Essonnes, sans que le ton employé excède les limites admissibles en ce domaine.
La cour de cassation a confirmé la position de la cour d'appel en jugeant notamment que :
« la bonne foi doit être appréciée en tenant compte notamment du caractère d'intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux, et du contexte politique dans lequel ils s'inscrivent ».
Ainsi, la bonne foi de l'auteur de propos portant atteinte à la réputation s'apprécie en tenant compte du caractère d'intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux et du contexte politique dans lequel ils s'inscrivent.
Les accusations de favoritisme, de mise en danger de la santé de la population, de mise en faillite de commune et de présentation de budget insincère, la perpétration de délits pénaux, ne dépassent pas manifestement les limites admissibles dans le cadre d'une polémique politique et les exigences de prudence, mesure et sincérité.
2ème affaire : Cass. Crim., 11 juin 2013, n°12-83.487
L’hebdomadaire Paris Match a publié un reportage consacré à un groupe de combattants afghans présentés comme les auteurs d’une embuscade ayant coûté la vie à dix militaires français.
Le député des Yvelines a diffusé un communiqué accusant le journal de contribuer à financer des actions de guerre contre les soldats français en ayant versé de l'argent aux talibans pour pouvoir réaliser ce reportage.
Le directeur de publication de Paris Match, les journalistes auteurs de l'article en cause ainsi que la société éditrice de l’hebdomadaire ont porté plainte pour diffamation contre le député.
La cour de cassation a relaxé le député « dès lors que le prévenu, qui n’est pas un professionnel de l’information, n’était pas tenu aux mêmes exigences déontologiques qu’un journaliste, qu’il disposait d’une base factuelle suffisante pour s’interroger publiquement, en sa qualité de membre de la commission des Affaires étrangères, dans le contexte d’un débat d'intérêt général, sur des informations faisant état de pratiques journalistiques contestables, et qu’il l’a fait avec prudence, sans excéder les limites admissibles de la liberté d’expression ».
Par conséquent, il ressort de ces deux décisions de justice que l'appréciation du caractère diffamatoire et de la bonne doit se faire en tenant compte :
- d'une part, de la qualité de l'auteur des propos litigieux ;
- d'une part, du contexte du débat d’intérêt général dans lequel les propos s'inscrivent.
Les journalistes et professionnels de l’information sont soumis à un contrôle plus strict de leur expression par rapport aux hommes politiques et représentants syndicaux qui jouissent d'une liberté d'expression plus grande ou dont la bonne foi est souvent admise.
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