En l’espèce, à la suite de la publication d'un article concernant Marine Le Pen sur le site internet de l'hebdomadaire VSD, intitulé “Marine Le Pen : les secrets d'une fille à papa”, la femme politique a fait citer devant le tribunal correctionnel de Paris :
- le directeur général d'OVH car ses noms et prénoms apparaissaient en tant que directeur de la publication sur le site internet de VSD ;
- la journaliste auteur de l'article litigieux ;
- la société VSD.
Marine Le Pen leur reprochait d'avoir commis les infractions de diffamation publique pour les passages suivants :
“En 2003, elle est accusée d'outrage à agent après avoir insulté des policiers intervenus après une plainte pour tapage nocturne”
“Certains se souviennent aussi du lancement de la campagne des européennes de 2004. A la fin du repas, Marine L. P. reprend à tue-tête la chanson du générique d‘Albator, celle du capitaine Flam... et se met à danser. Puis elle s‘approche d'un journaliste et dit : “Vouuus croâââyez qu‘une fille qui dans le rockandrôôôl chan saussures peut devenir présiiiiiiidente du FN ?“, avant de repartir en titubant”.
Pour mémoire, l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».
Pour constituer une diffamation, le fait imputé dans les propos doit être précis et susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité.
C'est ce qui distingue la diffamation de l'injure qui est caractérisée, selon le deuxième alinéa de l'article 29, par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d‘aucun fait ».
Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec une intention de nuire.
Cependant, cette présomption de mauvaise intention peut être anéantie lorsque l'auteur des propos litigieux établit sa bonne foi.
La preuve de la bonne foi suppose que l'auteur des propos litigieux justifie qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier de sérieux de l'enquête, ainsi que de prudence dans l'expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.
Ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime.
Si une rigueur accrue est en principe attendue d’un professionnel du journalisme, en revanche une plus grande liberté peut être admise lorsque le propos concerne un sujet d’intérêt général et des hommes ou femmes politiques, qui s’exposent davantage à la critique de leurs concitoyens.
En l’espèce, les juges ont estimé que :
« rien ne permet de penser que l’auteur de l’article -en la personne duquel s’apprécie la bonne foi- aurait été mû par une animosité de nature personnelle à son égard ».
En effet, la journaliste auteur de l'articile litigieux avait rassemblé divers éléments d’enquête, a repris les propos de nombreuses personnes et a pris contact avec Marine Le Pen.
Toutefois, le tribunal a jugé que :
« le bénéfice de la bonne foi ne peut être reconnu dès lors que les insultes en cause sont présentées sous une forme affirmative et comme un fait avéré, alors que l’intéressée les conteste, ce qui n’est pas indiqué dans VSD, la dépêche de l’AFP du 25 février 2003 versée aux débats précisant au contraire que Marine Le Pen avait elle-même dénoncé l’agressivité des policiers et avait seulement reconnu leur avoir “dit que leur comportement était honteux “.
[...] si plusieurs articles font état du tempérament de l’intéressée et de son goût pour la fête, il n’est produit aucun témoignage de personnes présentes au repas de 2004, évoqué dans VSD, ni d’autres personnes qui auraient pu voir la partie civile tituber sous l’effet de l’alcool ou perdre son contrôle en d’autres occasions.
La journaliste ne disposait donc pas d’une base factuelle suffisante pour lui permettre de s’exprimer comme elle l’a fait dans son article et les limites de la liberté d’expression ont ainsi été dépassées »
Les juges ont donc vérifié la réalité des faits dénoncés et le sérieux de l'enquête journalistique réalisée par le professionnel de l'information avant de prononcer leur jugement de condamnation pour diffamation.
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Anthony Bem
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