La liberté d’expression n’est pas absolue, même sur internet.
La loi et la jurisprudence fixent notamment deux limites au travers des notions juridiques du dénigrement et de la diffamation.
Or, ces deux notions bien que ressemblantes de prime abord sont en réalité très distinctes sur le plan juridique et judiciaire.
Elles sont distinctes s’agissant notamment du régime procédurale applicable, du juge compétent, du délai de prescription de l’action en justice, etc ...
Ainsi, il est souvent difficile de dire si un propos, un article, un avis ou un commentaire attentatoire à la réputation relève de la diffamation ou du dénigrement.
Le 11 juillet 2018, la cour de cassation a précisé la différence de définition entre le dénigrement et la diffamation.
En effet, la Haute cour a posé le principe selon lequel, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la publication d’un propos de nature à jeter le discrédit sur un produit peut constituer un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, qui relèverait de la diffamation le cas échéant (Cour de cassation, Première chambre civile, 11 juillet 2018, Numero : 17-21.457)
Ainsi, la cour de cassation impose aux juges de rechercher s’il existe une « base factuelle suffisante pour s’exprimer » auquel cas il ne s’agira pas de dénigrement mais de diffamation.
En l’espèce, un laboratoire qui fabrique et commercialise un complément alimentaire de vitamine D pour les nourrissons à découvert que le site Internet de la revue « Alternative Santé », publiait un article intitulé « Uvestérol : un complément empoisonné pour vos enfants », puis remplacé par « Uvestérol : un complément inquiétant pour vos enfants ».
En outre, ce site avait diffusé, auprès de ses abonnés, un bulletin d’information électronique intitulé « Uvestérol, un poison pour vos enfants ».
Le laboratoire a donc assigné en dénigrement le site aux fins d’obtenir la suppression de l’article litigieux et des commentaires l’accompagnant, la cessation de la diffusion du bulletin d’information et la réparation de son préjudice.
Les juges d’appel ont donné droit au laboratoire en considérant que les publications relatives à la dangerosité d’un médicament excèdent le droit d’exercice normal d’une critique.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel car il résultait, d’une part, que ces publications s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général portant sur la santé publique, d’autre part, que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait, à la suite de malaises de nourrissons, pris des décisions de suspension du médicament litigieux, puis émis une note d’information de pharmacovigilance, de sorte que seule la diffamation aurait éventuellement permis d’agir en justice et surtout car « les critiques en cause, même sévères, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression ».
Cet arrêt ne sonne pas le glas de l’action en dénigrement en cas d’atteinte à la réputation.
Au contraire, il précise que le dénigrement est susceptible de pouvoir trouver à s’appliquer même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées.
Le dénigrement n’est donc pas un fondement juridique exclusivement réservé aux relations commerciales, de concurrence ou d’atteinte par un concurrent ou un acteur du marché.
La cour de cassation rappelle même que le dénigrement peut trouver à s’appliquer en cas de divulgation d’une « information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé ».
Cependant, la cour de cassation a rappelé que le dénigrement ne peut pas trouver à s’appliquer lorsque l’information en cause se rapporte à un débat d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante.
De plus, la cour de cassation a jugé que le droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, ne saurait être regardé comme fautif sous réserve que l’expression soit mesurée.
Il résulte implicitement de cet arrêt que la publication de critiques mêmes sévères est admissible.
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Anthony Bem
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