Il arrive souvent que les parents consentent des cadeaux à leurs enfants qui se constituent de sommes d’argent, de meubles, de voyages, etc …
Selon les hypothèses, ces cadeaux peuvent être juridiquement qualifiés de don manuel ou de présent d’usage, dont les effets juridiques sont différents.
En effet, à la différence du don manuel (la donation), le présent d’usage :
- ne suppose le respect d'aucune formalité particulière donc d'aucun frais de notaires ;
- n’est fiscalement pas imposable ;
- n’a pas, en principe, à être rapporté à la succession du donateur pour déterminer la part qui doit être attribuée à chaque héritier ;
- sont irrévocables en cas de divorce entre les époux.
Mais, le présent d’usage suppose l’existence des deux conditions cumulatives suivantes :
- une occasion particulière ou un événement marquant tels qu’une naissance, une promotion, des fiançailles, un mariage, un anniversaire, une fête religieuse, etc … ;
- être d’une valeur modique par rapport à la situation financière et aux revenus du donateur. Ce point est donc à prendre en considération au cas par cas en fonction de « la fortune » du donateur. Alors que la valeur d'un présent peut augmenter avec le temps, sa valeur est déterminer à l'époque où il a été fait.
Les juges disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si une donation constitue ou non un présent d’usage.
A cet égard, le 23 novembre 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation a censuré des juges d’appel, qui avait considéré que la remise de chèque constituait un don manuel devant être rapporté à la succession, car ils n’avait pas pris en compte le fait que les enfants bénéficiaires de la donation s’étaient accordées, devant le notaire, sur la qualification de présent d’usage et sur l’absence d’obligation de rapporter cette somme à la succession de leurs parents (Cass. Civ. I, 23 novembre 2011, N° de pourvoi: 10-25506).
En l’espèce, le notaire chargé des opérations de liquidation et de partage des successions de Mathias X. et de son épouse, Augustine Y., décédés en laissant pour héritières leurs deux filles, Madame Bruna Z. et Madame Yvette X. , a dressé un procès-verbal de difficultés portant notamment sur le sort de sommes que leurs parents leur avaient remises par chèque.
Le notaire a recensé 6 dons par chèque au profit de Madame Bruna Z., qui n’en n'a pas spontanément fait état dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage de la succession de sa mère.
Madame Yvette X a contesté devoir rapporter les sommes données à titre de présents d'usage et a demandé que la sanction du recel soit appliquée aux sommes dont avait bénéficié sa sœur sans que celle-ci le révèle.
La Cour d'appel de Rennes a jugé que :
- les chèques remis par les parents à chacune de leurs filles constituaient des dons manuels qui doivent être rapportés à la succession de chacun des parents décédés,
- les chèques établis à l'ordre de Mme Yvette X excédent par leur montant les cadeaux usuels,
- la circonstance que l'une et l'autre des héritières avaient été pareillement gratifiées ne constitue pas une cause exonératoire du rapport des dons.
Pour les juges d’appel, les chèques émis par les époux Mattia X. et Augustine Y. au profit de chacune de leurs filles constituaient des dons manuels rapportables aux successions en cause,
Par conséquent, Mme Yvette X. devait rapporter à la succession de chacun de ses parents Mathias X. et Augustine Y. la somme de 3.048,98 € au titre des dons manuels.
La position des juges d’appel contrevenait cependant au principe selon lequel la prohibition des pactes sur succession future qui fait obstacle à ce que des renonciations ou des conventions conclues entre cohéritiers soient souscrites, du vivant du de cujus, à l'effet de déroger aux règles gouvernant le rapport des libéralités, aucune règle d'ordre public ne fait en revanche obstacle à de telles renonciations ou conventions dès lors qu'elles sont intervenues après le décès.
Dans ce contexte, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que :
« en se déterminant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il ne résultait pas des dires des parties devant le notaire qui avait dressé le procès-verbal de difficultés du 16 mars 2006 que, s'agissant des sommes d'un même montant distribuées à chacune de leurs deux filles par leurs parents, celles-ci s'étaient accordées sur la qualification de présents d'usage et l'absence d'obligation au rapport en résultant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Ainsi, les sommes distribuées équitablement par les de cujus à chacun des héritiers peuvent donner lieu à un accord entre ces derniers sur la qualification de présents d'usage et l'absence d'obligation à rapport en résultant.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com