Le directeur de publication d’un site internet est celui dont le nom figure dans les "mentions"

Publié le Modifié le 18/04/2012 Vu 18 675 fois 0
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Le 16 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société OVH, le N°1 des hébergeurs de sites internet en France, pour diffamation envers Marine Le Pen. Si a priori, il n'y a aucun rapport entre Marine Le Pen et un hébergeur technique de site internet, la justice en a jugé autrement pour la première.

Le 16 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société OVH, le N°1 des héberg

Le directeur de publication d’un site internet est celui dont le nom figure dans les

A la suite de la publication d'un article concernant Marine Le Pen sur le site internet de l'hebdomadaire VSD, intitulé “Marine Le Pen : les secrets d'une fille à papa”, la femme politique a fait citer devant le tribunal correctionnel de Paris :

- Octave K., directeur général d'OVH car ses noms et prénoms apparaissaient en tant que directeur de la publication sur le site internet de VSD ;

- Christelle B., journaliste auteur de l'article litigieux ;

- la société VSD.

Marine Le Pen leur reprochait d'avoir commis l'infraction de diffamation publique envers un particulier pour les passages suivants :

“En 2003, elle est accusée d'outrage à agent après avoir insulté des policiers intervenus après une plainte pour tapage nocturne”

“Certains se souviennent aussi du lancement de la campagne des européennes de 2004. A la fin du repas, Marine L. P. reprend à tue-tête la chanson du générique d‘Albator, celle du capitaine Flam... et se met à danser. Puis elle s‘approche d'un journaliste et dit : “Vouuus croâââyez qu‘une fille qui dans le rockandrôôôl chan saussures peut devenir présiiiiiiidente du FN ?“, avant de repartir en titubant”.

De plus, Marine Le Pen les poursuivait pour injure publique envers un particulier pour la phrase : “Mais paradoxalement, “c'est une fille qui aime manger, boire et baiser comme son père”".

Cette décision est instructive en matière de procédure pour diffamation et injure sur internet.

Outre que la diffamation ait été retenue par les juges et non l'injure, une des particularités intéressantes du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris est que le dirigeant de la société qui héberge le site internet de VSD, a été condamné comme responsable de cette diffamation.

Pour mémoire, la Loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (aussi dénommée la LCEN) avait notamment vocation à organiser un régime de responsabilité des sites internet.

En application de la LCEN, si un site internet est à l'origine du contenu litigieux, en tant qu'auteur, il est considéré comme "éditeur" et est donc responsable de plein droit des propos illicites qu'il diffuse.

Si un site internet n'est pas à l'origine du contenu litigieux, il est considéré comme un "hébergeur" au sens de la LCEN et voit sa responsabilité engagée à défaut d'avoir retirer le contenu après réception d'une mise en demeure.

Ainsi, les sites internet participatifs tels que les blogs et les réseaux sociaux sont considérés comme des hébergeurs selon l'interprétation de la LCEN par les juges.

Concrètement, la mise en jeu de la responsabilité d’un site participatif, communautaire, un blog suppose l’envoi d'une notification de retrait de contenu illicite qui doit respecter un formalisme strict et qui n’a pas donné lieu à un retrait dans un délai raisonnable de la part du site en question.

En l’espèce, aucune notification de retrait de contenus illicites n'a été adressée par Marine Le Pen à la société OVH, en qualité d'hébergeur. 

En effet, au cas présent cela aurait été inutile car, eu égard à ce qui précède, VSD est éditeur du contenu diffusé sur son site et met de plein droit en jeu sa responsabilité, de manière automatique. 

En outre, l'employé de la société VSD rencontré par l’huissier de justice lors de la signification de la convocation auprès du siège de la société VSD a déclaré que Octave K. était inconnu à cette adresse, et pour cause, ce dernier n'a aucun lien avec VSD. 

Or, Marine Le Pen versait aux débats des conditions générales d'utilisation qui mentionnaient que l'éditeur du site accessible à l'adresse www.vsd.fr est VSD, le directeur de la publication Octave K. et l'hébergeur OVH.

Le conseil de la société VSD soutenait que le directeur de publication du site VSD n'est pas Octave K., dont le nom a été mentionné par erreur, mais Philippe L., tel que cela figurait sur les conditions générales d'utilisation modifiées et les extraits Kbis des sociétés VSD et OVH.

Les juges ont considéré que « toutefois et en l'état, ces pièces ne suffisent pas à démontrer qu'Octave K. n'était pas directeur de la publication du site lors de la diffusion de l'article litigieux, alors que les “conditions générales d'utilisation” portant la date d'impression du 18 janvier 2011 mentionnent son nom. Les documents versés aux débats par la société VSD ne suffisant pas à prouver que cette mention était erronée à cette date, Octave K. sera maintenu dans les liens de la prévention, en l'état des pièces produites par les parties. … Déclare Octave K. coupable de diffamation publique envers particulier, en l'espèce Marion dite Marine Le P., faits commis le 23 décembre 2010 ».

L'erreur d'indication du nom de l'éditeur, de l'hébergeur ou du directeur de la publication dans les mentions légales ou les conditions générales d'un site internet ne permet donc pas d'éviter la mise en jeu de la personne désignée sur le site. 

Ceci assure une protection accrue des victimes de diffusion de contenus illicites, ce qui est en soit une bonne chose, mais entraîne un risque de condamnation judiciaire de personnes qui n'ont aucun rapport avec le site internet dont il s'agit.

Par conséquent, les personnes désignées comme directeur de la publication d’un site internet peuvent mettre en jeu leur responsabilité au titre des contenus illicites diffusés sur ce site et ce même en cas d’erreur ou s’il s’agit du nom de l’hébergeur technique de ce site.

Cette décision constitue donc une illustration supplémentaire de l'importance de bien vérifier les informations présentes dans les mentions légales des sites internet au risque pour le site de devoir indemniser davantage les préjudices subis. 

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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