En matière salariale, l'employeur dispose des informations relatives au montant des salaires versés à son personnel.
Les salariés ne disposent d'aucun moyen de connaître la rémunération perçue par leurs collègues de travail.
Ainsi, l'introduction de l'action pour discrimination salariale suppose de produire des informations dont seul l'employeur dispose.
En effet, l'article L. 1134-1 du code du travail prévoit que toute action fondée sur une discrimination n'est recevable que si le salarié est en mesure de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de celle-ci.
En l'espèce, deux salariés de Radio France chargée de réalisation radio soutenaient que de nombreux chargés de réalisation placés dans une situation identique à la leur percevaient une rémunération plus importante et étaient classés dans une catégorie de qualification supérieure de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles.
Elles ont donc saisi la juridiction prud'homale en référé d'une demande tendant, sur le fondement du motif légitime prévu par l'article 145 du code de procédure civile, à obtenir la communication par l'employeur de différents éléments d'information concernant ces autres salariés et susceptibles, selon elles, d'établir la discrimination dont elles se plaignaient.
L'article 145 du code de procédure civile prévoit en effet que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Les juges d'appel ont ordonné à la société Radio France de communiquer aux salariées, avant tout procès et sous astreinte, les contrats de travail, avenants, bulletins de paie de certains autres salariés de l'entreprise, ainsi que le montant des primes de sujétion distribuées depuis 2000 à ces mêmes personnes et les tableaux d'avancement et de promotion des chargés de réalisation travaillant dans la même société.
La cour de cassation a approuvé cette décision en jugeant que :
« le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ;
Et attendu que la procédure prévue par l'article 145 du code de procédure civile n'étant pas limitée à la conservation des preuves et pouvant aussi tendre à leur établissement, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu que les salariées justifiaient d'un motif légitime à obtenir la communication de documents nécessaires à la protection de leurs droits, dont seul l'employeur disposait et qu'il refusait de communiquer ».
Il résulte de cette décision que les salariés sont en droit d'obtenir, avant tout procès, la communication des pièces destinées, non pas à confirmer les présomptions de discrimination nécessaires à l'introduction de leur action, mais tendant à révéler l'existence d'une éventuelle disparité de traitement, sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure Civile.
Ce type de preuve correspond donc à une preuve dont pourrait dépendre la solution du litige et à une preuve nécessaire à l'introduction même de l'action.
Ainsi, la mesure d'instruction ordonnant, avant toute procédure au fond, la communication des contrats de travail, bulletins de paie, calcul des primes et tableaux des avancements et promotions d’autres salariés de l’entreprise viole ni leur vie privée ni le secret des affaires.
Par ailleurs, il convient de relever avec intérêt que les salariés qui s’estiment victimes de discrimination salariale n’ont pas à fournir d’élément de preuve tendant à démontrer l'existence de celle-ci.
En conclusion, les juges ont posé le principe que la preuve de la discrimination en droit du travail peut être obtenue par le biais d’une demande en référé.
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Anthony Bem
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