Le gouvernement souhaitait depuis longtemps réformer le droit des suretés et du cautionnement afin de « rendre son régime plus lisible et d'en améliorer l'efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique. » (Article 60, I, 1° de la loi PACTE)
Tel était donc l’esprit de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés dont les dispositions entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2022.
Tout d’abord, il convient de souligner que cette réforme abroge les dispositions relatives à la disproportion du cautionnement dans le code de la consommation pour les regrouper au sein du code civil.
Ainsi, le nouvel article 2300 du code civil dispose que :
« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. »
La disproportion d’un cautionnement s’apprécie donc toujours au jour de la conclusion de l’engagement par la caution mais les effets juridiques de la disproportion ont été radicalement changés.
Pour mémoire, en vertu des jurisprudences obtenues par le cabinet Bem, depuis le 4 décembre 2013, devant le Tribunal de commerce de Versailles, les juges ont fixé expressément la limite au-delà de laquelle les cautionnements sont disproportionnés et donc inopposables aux cautions.
En effet, aux termes des jurisprudences obtenues notamment par le Cabinet Bem depuis plus de 15 ans, les juges ont consacré un taux de proportionnalité des cautionnements par rapport au patrimoine des cautions.
Pour la première fois, le 4 décembre 2013, le Cabinet Bem a fait fixer en matière de jurispurence du cautionnement un taux de proportionnalité des cautionnements de 33% des revenus mensuels de la caution.
Pour ce faire, les juges ont pris expressément en compte deux indices de référence différents, à savoir :
- d'une part, le taux d’endettement maximum des particuliers de 33% des usages bancaires ;
- d'autre part, la charge moyenne annuelle en France des emprunts long terme souscrits par les particuliers qui s’élève à un peu moins de 4 fois leurs revenus annuels.
Ces deux données de référence doivent donc être calculées par les cautions pour déterminer la proportion ou la disproportion de leurs engagements en fonction de leur situation financière personnelle.
Ainsi, en cas de cautionnement jugé disproportionné au jour de sa souscription, la caution ne pourra se décharger que partiellement de la dette.
De plus, il convient de souligner que la réduction du montant de la dette à la hauteur des capacités financières de la caution s’apprécie au jour de la conclusion du cautionnement et non au jour des poursuites en paiement par la banque.
Dans ce contexte, la solvabilité de la caution au jour de sa poursuite en justice par le créancier n’influencera d’aucune façon le sort de la procédure en recouvrement.
Ainsi, cette réforme aura pour conséquence de renforcer les chances de succès des prétentions des cautions qui pourront se prévaloir en tout état de cause de l’argument de défense de la disproportion de leur cautionnement pour en diminuer le montant.
Les notions de caution profane ou avertie ont d'ailleurs totalement disparu des nouveaux textes.
Dès lors, l’établissement de crédit ou le professionnel qui a consenti un cautionnement disproportionné ne pourra plus échapper à sa responsabilité en se prévalant d’un retour à meilleure fortune de la caution qui lui permette de faire face à ses obligations financières au jour où elle est appelée en paiement.
Cette limite d'endettement permettra grâce à une opération de calcul mathématique complexe de déterminer le montant exact des facultés financières mensuelles contributives de remboursement de la caution au jour de son engagement.
Enfin, il convient de souligner que la réforme confère aux juges une place très importante dans le cadre du règlement des litiges inhérents aux cautionnements disproportionnés.
En effet, le gouvernement confère aux juges le pouvoir de fixer le montant dû par les cautions, au cas par cas, en fonction de la situation financière de chaque caution au jour de son engagement.
Dorénavant, le gouvernement a chargé les juges de réduire le montant de la dette inhérente à un cautionnement à hauteur duquel la caution pouvait s'engager à la date de la conclusion de celui-ci.
Par cette mesure, le gouvernement semble loin de la pratique et des prétoires.
Ce pouvoir est d’autant plus dangereux qu’aucun canevas, guide-line, ni mode d’emploi ne vient préciser objectivement l’équation de calcul du juste montant dû selon la situation financière et patrimoniale de chacun.
Le nouveau texte présente donc une difficulté pratique majeure en ce qu'il n'indique aucun élement objectif permettant de calculer le montant dû.
A ce texte, les cautions ne disposent plus d’aucune sécurité juridique.
Une chose est cependant certaine, les cautions devront encore et toujours employer dans leur démonstration juridique les taux de disproportion fixés par la jurisprudence précitée pour se défendre efficacement en cas de poursuite en paiement.
Certaines cautions pourront faire effacer leur dette totalement à défaut de revenus ou patrimoine et d'autres que partiellement en fonction de la situation financière présentée aux juges.
Par conséquent, le combat pour la défense des cautions continuera grâce à cette nouvelle réforme.
Néanmoins, il est intéressant de rappeler que le taux de disproportion des cautionnements de 33% constituera toujours la limite que les banques devront respecter et en deçà duquel les juges fixeront certainement « le juste prix » de la dette des cautions en cas de revenus ou patrimoine.
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