Le calcul du taux de disproportion du cautionnement dépend des éléments de la caution à prendre en compte dans l’équation des revenus et des charges.
Le 22 septembre 2015, la cour de cassation a jugé que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie (Cour de cassation, chambre commerciale, 22 septembre 2015, N° de pourvoi: 14-22913).
Les dirigeants de sociétés s'engagent quasi systématiquement auprès de leurs banques en qualité de caution du remboursement des crédits accordés à leurs sociétés.
Leur qualité de caution couvre toutes les dettes bancaires de leurs sociétés.
Les dettes bancaires des sociétés concernent les remboursements de crédits ou les soldes débiteurs des comptes bancaires.
En cas d'impayé, la caution est appelée à payer en lieu et place de la société débitrice.
Concrètement, le dirigeant caution s'engage sur ses deniers personnels et ceux de son épouse s'il est marié sous le régime de la communauté légale.
Or, les sommes réclamées par les banques aux cautions peuvent atteindre quelques dizaines ou centaines de milliers d'euros, voir même quelques millions d'euros dans certains cas.
Depuis plus de 10 ans, le contentieux du cautionnement a sensiblement évolué en faveur des cautions dirigeantes ou des dirigeants cautions.
En effet, les cautions disposent de nombreux moyens de défense en cas d'assignation en justice par la banque.
Ces litiges sont complexes en ce qu'ils font appellent tant à un savoir juridique, qu'à des calculs techniques ainsi qu'à un savoir particulier relevant de la stratégie judiciaire pour la demande de communication de certaines pièces auprès de la banque et la non de production volontaire de pièces par la caution.
Ces contentieux sont aussi difficiles à vivre humainement dans la mesure où les cautions, qui subissent la liquidation judiciaire de leur société, font souvent l'objet de risque de saisie vente de leurs biens immobiliers.
Or, trop souvent, les avocats qui ne sont pas spécialisés dans ce type de litige conseillent à leurs clients de trouver un accord amiable et de payer alors même que le cautionnement est nul ou inopposable, de sorte qu'il n'y aurait rien à payer en réalité.
A titre d'exemple, parmi les moyens de défense, la disproportion du cautionnement est devenue depuis peu de temps un nouveau moyen de défense sérieux au profit de la caution.
En pratique, le cautionnement peut être annulé s'il est disproportionné.
Le calcul de la disproportion du cautionnement se fait selon des informations financières précises et nombreuses sur la situation patrimoniale de la caution et en considération des renseignements communiquées par cette dernière à la banque au moment de la conclusion du cautionnement litigieux.
Le calcul de la disproportion du cautionnement se fait donc en fonction de données qui sont parfois connues de la banque et exprimées par la caution mais aussi en prenant en compte des silences et carences inhérentes à l'obligation de se renseigner de la banque.
Ce sont ces informations ou l'absence de communication de certaines informations par la banque lors de la procédure qui permettront stratégiquement à la caution de justifier de la disproportion de son cautionnement et de gagner le procès qui lui est intenté par la banque.
Depuis une jurisprudence obtenue par le cabinet Bem, le 4 décembre 2013, les juges prennent pour référence un seuil limite de 33% d'endettement pour le calcul du taux de disproportion des cautions et, ce, même si ces personnes sont dirigeantes ou gérantes de sociétés.
Depuis cette date, les notions de cautions profanes ou averties n'a véritablement plus lieu d'être, de sorte que l'argument des banques sur cette qualité est devenu hors sujet.
L'équation mathématique permettant de calculer le taux de disproportion du cautionnement litigieux évolue notamment au grès des jurisprudences obtenues par le Cabinet Bem en ce qu'elles fixent les données déterminantes pour que le résultat de l'équation soit positif.
Dans l'affaire jugée le 22 septembre 2015, la cour de cassation a considéré que le succès escompté de l'opération garantie n'est pas un élément à prendre en compte dans le calcul du taux de disproportion du cautionnement.
Cette décision confirme que l'équation de la disproportion du cautionnement ne peut pas valablement intégrer toutes les données.
En l'espèce, une personne physique s'était portée caution solidaire de deux prêts consentis par le Crédit Agricole à deux sociétés dont il était le gérant et placées par la suite en redressement puis liquidation judiciaire.
Dans un premier temps, la cour d’appel a condamné la caution estimant que son endettement n’apparaissait pas manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine compte tenu du succès escompté de l’opération commerciale financée par la banque.
Cependant, le 22 septembre 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel et fixé le principe selon lequel : le calcul de proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut intégrer les revenus escomptés de l'opération garantie.
Cette décision est intéressante à plus d'un titre en ce que :
- elle tend à établir une règle de calcul objective de la proportionnalité du cautionnement ;
- elle contraint les juges à un devoir de vérification des renseignements financiers indiqués en principe par la caution lors de la signature de son engagement.
En effet, hors les cas où de manière curieuse et illégale, aucune fiche de renseignements n'est demandée par la banque à la caution s'agissant de ses revenus, engagements et patrimoine, les banques se prévalent de leur absence d'obligation de vérification des informations de la caution.
Cette règle jurisprudentielle n'est pas juste ni justifiée.
Elle n'est pas juste pour plusieurs raisons.
Tout d'abord car certaines banques invitent les cautions à gonfler ou diminuer la valeur de certaines données financières pour prétendument les "aider" à faire passer leurs dossiers de crédit.
Ainsi, certaines cautions indiquent parfois dans leur formulaire de renseignement ce que la banque leur suggère d'écrire pour permettre un déblocage de fonds alors que la réalité est différente.
Ce n'est pas juste non plus dans tous les cas où les informations à remplir par la caution dans le formulaire de renseignements sont trop sommaires et ne peuvent donc qu'être incomplètes pour permettre d'avoir une vision globale de la situation financière de la caution.
De plus, cette absence d'obligation de vérification des informations financières et patrimoniales de la caution par les banques est injustifiée tant en droit qu'en pratique car ce faisant elle enlève de la substance à l'obligation de se renseigner à la charge des banques sur les situations financière et patrimoniale de la caution.
L'obligation de se renseigner sur les situations financière et patrimoniale de la caution devrait imposer aux banques de vérifier la véracité et la justesse des informations renseignées par la caution, par le biais d'une demande de communication d'une liste exhaustive de pièces, comme elles ne manquent d'ailleurs pas de le faire lors de l'octroi de crédits immobiliers ou à la consommation.
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Anthony Bem
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