Le 22 septembre 2015, la cour d’appel de Paris a annulé au profit de clients du cabinet Bem des cautionnements solidaires de la banque Crédit du Nord, malgré le fait que le moyen de défense tiré de la disproportion des cautionnements par rapport aux biens et revenus des cautions ait été invoqué pour la première fois devant la cour d'appel. (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 5-7, 22 septembre 2015 Crédit du Nord / M et Mme X).
En l'espèce, une société a ouvert un compte professionnel auprès du Crédit du nord qui lui a consenti une facilité de trésorerie et un prêt destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce.
Le dirigeant et son épouse se sont portés cautions solidaires du paiement des sommes qui pourraient être dues au titre du prêt.
La société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire.
Après avoir vainement mis les cautions en demeure de payer, la banque les a assigné devant le tribunal de commerce de Bobigny, afin qu’ils soient condamnés solidairement, en leur qualité de cautions.
Dans un premier temps, le tribunal de commerce de Bobigny a condamné l'époux en qualité de caution au paiement des sommes réclamées par la banque.
Les cautions ont fait appel de ce jugement et le dirigeant caution a invoqué la disproportion de ses cautionnements pour la première fois dans le cadre de la procédure d'appel.
En effet, les cautions n’avaient opposé la disproportion de leur engagement de caution qu’à l’égard de l'épouse du dirigeant et non de ce dernier en première instance.
La banque Crédit du Nord a donc tenté de se défendre en opposant l'argument selon lequel la demande des cautions fondée sur la disproportion de leur engagement est nouvelle et doit être écartée des débats.
Pour mémoire, en application de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre en appel de nouvelles prétentions ou demandes si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Sur le fondement de cette disposition légale, la cour d'appel a jugé que :
"la disproportion invoquée en appel à l’égard des deux époux tendait à faire écarter les demandes en paiement à leur égard. Elle n’est donc pas nouvelle au sens de la disposition précitée et n’a pas à être écartée comme étant irrecevable". (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 5-7, 22 septembre 2015 Crédit du Nord / M et Mme X).
La disproportion du cautionnement permet de faire écarter les prétentions adverses.
Cet argument de défense de la caution peut donc être utilement soulevé pour la première dans le cadre du recours devant la cour d'appel même s'il n'a pas été invoqué devant les premièrs juges, peu importe la raison.
Ainsi, la cour d'appel a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en toutes ses dispositions et statuant à nouveau dit que les cautionnements consentis par les cautions au bénéfice de la banque Crédit du Nord étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus à la date de leur conclusion et que leur patrimoine actuel ne leur permet pas d’assumer leurs obligations, de sorte que le Crédit du Nord ne peut pas valablement se prévaloir de ces cautionnements.
Cette décision est importante en ce qu'elle permet aux cautions de pleinement profiter du recours en appel contre les jugements rendus en première instance par les tribunaux de commerce ou de grande instance qui les auraient éventuellement condamnées alors même que l'argument de la disproportion n'ai pas été invoqué pour une raison ou une autre.
Il est fréquent que les cautions se défendent seules dans les procédures initiées à leur encontre par les banques devant les tribunaux de commerce car la représentation par avocat n'est pas obligatoire et surtout coûteuse.
En outre, il arrive parfois que les avocats, par ignorance ou incompétence, manquent à leur tâche en ne soulevant pas tous les arguments de défense susceptibles de pouvoir être invoqués dans le cadre de la procédure devant.
L'appel est donc une véritable seconde chance permettant utilement à la caution de se défendre en soulevant, même pour la première fois, l'argument de la disproportion du cautionnement devant les juges d'appel.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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