Le 29 septembre 2015, la Cour de cassation a jugé que l'appréciation de la disproportion d'un cautionnement bancaire par rapport aux biens et revenus de la caution doit aussi tenir compte des cautionnements antérieurement souscrits quand bien même ils auraient été déclarés disproportionnés (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 septembre 2015, N° de pourvoi: 13-24568).
En l'espèce, la banque Caisse d’épargne a consenti à deux sociétés des prêts bancaires sur lesquels deux personnes se sont portées cautions solidaires des remboursements.
Les sociétés ayant été mises en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements, lesquelles ont invoqué la disproportion de ceux-ci conformément aux dispositions de l’article L. 341-1 du code de la consommation.
En effet, pour mémoire, l’article L. 341-4 du code de la consommation interdit à un créancier professionnel, telle une banque, de se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus.
Les premiers juges, ainsi que ceux d'appel, ont rejeté, pour partie, la demande en paiement de la banque eu égard à la disproportion des engagements des cautions au regard de leurs biens et revenus au jour de la souscription d'un des cautionnements litigieux.
La banque a introduit un pourvoi devant la cour de cassation pour obtenir une condamnation intégrale des cautions en faisant valoir que la proportionnalité de l’engagement de la caution au regard de ses biens et revenus s’apprécie au jour de la souscription du cautionnement.
Les juges se sont ainsi posés la question de savoir si les engagements de caution souscrits antérieurement au cautionnement litigieux pouvaient être pris en compte dans l'état d'endettement personnel de la caution, alors même qu'ils ont été déclarés disproportionnés ?
La cour de cassation a répondu de manière positive en jugeant que :
« Attendu que pour condamner solidairement les cautions à payer les sommes dues à la caisse au titre des prêts n° 2047332, n° 2047299 et n° 2047301, dans la limite pour chacune d’elles de 23 447,29 euros pour le premier et de 54 296,48 euros pour les deuxième et troisième, l’arrêt retient que pris individuellement, les cautionnements consentis le 2 décembre 2007 n’étaient pas disproportionnés aux biens et revenus des cautions à cette date ;
Qu’en statuant ainsi, sans prendre en compte, pour apprécier la disproportion des engagements du 2 décembre 2007 par rapport aux biens et revenus des cautions à cette date, leurs cautionnements antérieurement souscrits le 6 juillet 2007, pour un montant de 312 000 euros chacun, quand bien même elle les avait déclarés disproportionnés, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Il résulte de cette décision que pour apprécier la proportionnalité entre un cautionnement et les biens et revenus de la caution à la date de la conclusion du contrat, les juges doivent prendre en compte les autres cautionnements déjà consentis par celle-ci.
Par ailleurs, il est intéressant de relever qu'aux termes de cette affaire les juges ont aussi considéré qu'un couple partageant les dépenses de la vie courante et engageant pour les besoins d’une même activité professionnelle, exercée dans le cadre de sociétés ayant des intérêts communs, leurs actifs, mobilier et immobilier, la proportionnalité devait être appréciée au regard de la situation de l’indivision.
Cette affaire illustre une fois de plus que la caution appelée en garantie par la banque n'est pas désarmée et dispose au contraire de solides arguments de défense notamment au travers de l'argument de la disproportion de son engagement de caution personnel et solidaire.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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