Le 24 septembre 2014, la Cour de cassation a jugé que les époux peuvent être tenus d’avoir à se verser une prestation compensatoire en cas de disparité dans leurs conditions de vie respectives créée du fait de la rupture de leur union.
La prestation compensatoire est définie à l’article 270 du Code civil comme étant « destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives» des époux.
De plus, l’article 271 du Code civil dispose que :
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa ».
Si philosophiquement, la prestation compensatoire a pour but d’éviter que le divorce n’attise le conflit entre les époux elle a concrètement pour objet de réparer le préjudice financier et/ou matériel causé par le divorce à l’un des époux.
En l’espèce, des époux ont saisi leur juge aux affaires familiales afin de prononcer la dissolution de leur mariage.
Aux termes du jugement de divorce, la liquidation et le partage du régime matrimonial a été ordonné et l’époux a été condamné à payer à son épouse la somme de 15.000 euros à titre de prestation compensatoire.
Cependant, l’épouse a interjeté appel et a demandé aux juges d’appel de condamner son époux à lui verser une prestation compensatoire de 50.000 euros.
En vain, afin de refuser de satisfaire à sa demande, la Cour d’appel a relevé que :
- « les époux avaient changé de régime matrimonial après vingt-cinq ans de mariage, substituant au régime de la communauté légale celui de la séparation de biens, qu’ils vivaient séparés depuis près de vingt ans et que la « disparité effective de revenus et de patrimoines » existant entre les époux ne résultait pas de la rupture du mariage mais de l’état de fait préexistant, lié aux choix opérés depuis plus de vingt ans par M. et Mme X..., » ;
- « que celle-ci n’avait jamais sollicité de fixation judiciaire de la contribution de son mari aux charges du mariage, pas plus qu’elle n’avait réclamé de pension alimentaire au titre du devoir de secours, »
C’est dans ces conditions que l’épouse a introduit un pourvoi en cassation en soutenant que :
- la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ;
- son principe et son montant s'apprécient au moment du divorce ;
- en se fondant sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce impropres, selon elle, à écarter le principe d’une prestation compensatoire, la Cour d’appel de Rennes a violé les articles 270 et 271 du Code civil.
Cependant, la Cour de cassation n’a pas suivi la demanderesse dans ses arguments et a jugé que :
« l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage (…) »
« (…) que c’est en se plaçant au jour où elle statuait que la cour d’appel, (…) a souverainement estimé que la disparité dans les conditions de vie respectives des parties ne résultait pas de la rupture du mariage ».
Nous envisagerons ci-après :
- L’objet et le but de la prestation compensatoire (1) ;
- L’auteur de la demande (2) ;
- La date d’appréciation de la disparité de situation (3).
1°) L’objet de la prestation compensatoire
La prestation n’est due qu’en cas de disparité des revenus et patrimoines entre époux du fait de la rupture du mariage.
Ainsi, la disparité des revenus et patrimoines entre époux ne doit pas résulter des choix opérés ultérieurement à la séparation des époux ou d’un état de fait préexistant au divorce lié aux choix opérés par le demandeur à la prestation.
Il s’agit d’éviter à l’un des époux le choc financier inhérent à la rupture du lien conjugal.
Toutefois, la prestation compensatoire n’a pas pour vocation à compenser tous les déséquilibres économiques entre les époux.
En effet, certains déséquilibres dus à la seule équation personnelle (diplôme, force de travail, choix personnel, fortune familiale, santé, etc …) n’ont pas à être compensés.
Seul un déséquilibre résultant d’un choix de vie opéré en commun par les époux doit et peut être compensé par une prestation compensatoire.
Il pourrait s’agir par exemples de :
- sacrifier sa carrière professionnelle pour se consacrer pleinement à la vie familiale ;
- collaborer activement à l’activité de son conjoint sans aucune rémunération.
2°) L’auteur de la demande de prestation compensatoire
Le droit à prestation compensatoire est ouvert, en principe, à tous les époux quels que soient les causes de divorce et quels que soient les torts.
En effet, l’article 270 du Code civil ouvre droit à une prestation compensatoire dès lors qu’il y’a « disparité ».
Toutefois, l’alinéa 2 prévoit que le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire « si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
Ainsi, un époux dont la faute est à l’origine du divorce peut se voir refuser l’attribution de la prestation par le juge au nom de l’équité.
La prestation compensatoire peut être demandée pour la première fois même en cause d’appel et tant que la décision en ce qu’elle prononce le divorce n’a pas acquis la force de chose jugée (Cass. Civ. I, 26 septembre 2002, n° 00-17.627).
Par contre, elle ne peut être demandée après acquiescement au divorce (Cass. Civ. I, 14 décembre 2004, n° 03-18.363).
3°) La date d’appréciation de la disparité des revenus et patrimoines entre époux
L’existence et l’étendue d’une éventuelle disparité des revenus et patrimoines entre époux doivent être appréciées par le juge à la date du prononcé de divorce, c’est-à-dire la date à laquelle le principe de divorce devient définitif (Cass. Civ. I, 1er décembre 2010, n° 09-70-757).
Lorsqu’il y a appel général du jugement de divorce et que le principe même du divorce n’est pas acquis, comme en l’espèce, les juges d’appel doivent se placer au jour où ils statuent pour apprécier l’existence et l’étendue du droit à compensation (Cass. Civ. II, 28 janvier 1987, n° 85-13.639).
Lorsque l’appel a été limité à la seule question de la prestation, le juge doit alors se placer à la date de dépôt des conclusions par l’intimé pour apprécier la demande de prestation compensatoire (Cass. Civ. I, 15 décembre 2010, n° 09-15.235).
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Anthony Bem
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